Des matériaux bidimensionnels étonnamment réactifs au contact de l’eau

Résultats scientifiques Matériaux

Grâce à leurs remarquables propriétés, les matériaux bidimensionnels, comme le graphène ou le nitrure de bore, font l’objet d’intenses recherches en nanosciences. Découverte surprenante : certains présentent une réactivité inattendue vis-à-vis des espèces ioniques de l’eau. Dans le cadre d’une collaboration entre physiciens et chimistes, des chercheurs de l’unité PASTEUR (ENS/CNRS/UPMC) en dévoilent la raison. Extrêmement prometteurs pour leur application dans la production d’énergie renouvelable, ces travaux sont publiés dans la revue J. Phys. Chem. Lett.

Isolés pour la première fois en 2004, les matériaux bidimensionnels tels que le graphène ou son analogue structural, le nitrure de bore (BN), sont constitués d’une seule couche d’atomes. Cette structure particulière et les propriétés associées (conductivité électrique et thermique, souplesse, robustesse, etc.) en ont rapidement fait des matériaux d’intérêt pour la miniaturisation et le développement de nanotechnologies.

Un objet d’étude dont se sont emparés des chercheurs de l’équipe MICROMEGAS du laboratoire de physique statistique de l’ENS qui ont obtenu un résultat des plus surprenants : en reliant deux réservoirs d’eau de salinité différente par des nanotubes de nitrure de bore, ils observent que le flux d’eau dans les nanotubes génère un courant de forte amplitude, associé à l’apparition d’une charge à la surface des nanotubes. Ce phénomène dit d’osmose sous gradients salins est à l’origine de ce qu’on appelle la « blue energy ».

Pour comprendre le phénomène en jeu, les physiciens ont fait appel à leurs collègues spécialistes en chimie de surface des matériaux du laboratoire « Pasteur ». Le défi : identifier l’origine microscopique de cette charge. Pour cela, une expérience numérique a été menée à partir des deux formes ioniques de l’eau : l’ion hydroxyde chargé négativement (OH-) et l’ion hydronium chargé positivement (H+). Grâce à un modèle de simulation quantique, capable de reproduire le comportement des atomes et de leurs électrons, les chimistes ont reconstruit la surface du nitrure de bore et testé les liaisons qui se forment entre les atomes de cette surface et les ions OH- et H+. C’est ainsi qu’ils ont mis en évidence que la liaison la plus stable et donc la plus susceptible de se produire naturellement est celle qui relie l’atome de bore à l’hydroxyde (OH-). Preuve en est que la surface de nitrure de bore peut se charger négativement par adsorption des ions hydroxydes. Un résultat, qui plus est, confirmé par la similitude de la charge globale obtenue lorsqu’on compare le nombre de molécules qu’il est possible de greffer expérimentalement et par modélisation. Forts de ces premières données, les chercheurs ont réalisé la même expérience numérique avec le graphène. Résultat inattendu : la surface de graphène ne se charge pas avec les ions OH-. Contrairement aux idées partagées par la communauté jusqu’alors, graphène et nitrure de bore se révèlent ne pas avoir un comportement chimique identique.

Encore fondamentaux, ces travaux permettent d’envisager des applications concrètes et extrêmement prometteuses ; l’intensité des charges mesurées et le courant ionique induit par ces procédés en feraient de véritables nano-usines de production d’énergie renouvelable…

 

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Adsorption forte d’un anion hydroxyde (OH-) à la surface d’un feuillet de nitrure de bore hexagonal (h-BN) modélisée par une simulation quantique basée sur la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT). Ce phénomène d’adsorption explique la charge négative du feuillet au contact d’une eau saline. Les atomes de bore (B), nitrure (N), oxygène (O) et hydrogène (H) sont respectivement représentés par des sphères jaune, bleue, rouge et blanche. 

 

 

 

Référence

Benoit Grosjean, Clarisse Pean, Alessandro Siria, Lydéric Bocquet, Rodolphe Vuilleumier and Marie-Laure Bocquet.

Chemisorption of Hydroxide on 2D Materials from DFT Calculations: Graphene versus Hexagonal Boron Nitride.

J. Phys. Chem. Lett. 3 novembre 2016
DOI: 10.1021/acs.jpclett.6b02248

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC