Gautier FélixChercheur à l’Institut Charles Gerhardt Montpellier (CNRS/ENSC Montpellier/Université de Montpellier)
Avec son projet RePETher, Gautier Félix, chercheur à l’Institut Charles Gerhardt Montpellier, est un des lauréats de l’appel à projet Emergence@INC2025. Par cet appel, CNRS Chimie accompagne des chargés de recherche ou maîtres de conférence recrutés depuis 4 à 10 ans en finançant un projet novateur et en encourageant la prise de risque.
Votre projet RePETher vise à réaliser des mesures de température à l’échelle nanométrique par spectroscopie de résonance paramagnétique électronique pour progresser dans la compréhension des mécanismes de dissipation thermique à cette échelle. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le « froid » et le « chaud » sont des notions familières à tous et la température permet de quantifier ces sensations. Les thermomètres classiques suffisent à notre échelle, mais avec les nanotechnologies, notamment les nanoparticules chauffantes, il devient crucial d’être capables de mesurer la température au niveau nanométrique. Ces nanoparticules peuvent en effet agir comme de mini-radiateurs et générer une température locale élevée, bien que cela ne soit pas garanti à cette échelle. Il est donc nécessaire de vérifier si cette chaleur locale est atteinte ou non et de la quantifier, d’où l’importance de disposer de nanothermomètres précis.
Ce projet vise ainsi à développer une méthode de nanothermométrie par spectroscopie de résonance paramagnétique électronique. Cette technique permet de sonder des éléments paramagnétiques1 en mesurant leur réponse à une onde électromagnétique sous champ magnétique. La dépendance en température du signal devrait permettre en une seule mesure d’extraire la température du cœur, de la surface et de l’environnement d’une nanoparticule chauffante. Une avancée majeure pour mieux comprendre les comportements thermiques à l’échelle nanométrique !
En quoi cette recherche est-elle émergente et à risque ?
Depuis plusieurs années, j'étudie la diffusion de la chaleur au niveau nanométrique sous divers stimuli externes, en milieu liquide, solide, ou dilué. La technique de nanothermométrie la plus courante exploite la dépendance en température de la luminescence de molécules organiques ou inorganiques placées en contact avec la nanoparticule chauffante. Bien que répandue, cette méthode présente deux limites : un manque de données expérimentales issues d’autres techniques d’analyse, et une mesure limitée à un seul point en surface. Sans accès à la température du cœur de la nanoparticule, il est impossible de caractériser précisément la diffusion de la chaleur.
Parallèlement, mes recherches portent aussi sur le magnétisme, ce qui m’a conduit à essayer de combiner l’étude de la diffusion de la chaleur avec la résonance paramagnétique électronique. Cette technique, bien que présentant un signal variant avec la température, n'a jamais été envisagée comme sonde thermique. Elle pourrait cependant fournir des données expérimentales inédites et, surtout, permettre une mesure multi-points incluant la température du cœur la plus difficile d’accès. Ce projet vise à démontrer la sensibilité de ce « thermomètre » et la faisabilité et la fiabilité de ce type de mesure.
Quelles pourraient-en être les principales retombées ?
Comme évoqué précédemment, le contrôle et la mesure de la température sont essentiels en science, que ce soit en médecine, biologie, chimie ou physique. La température est souvent stabilisée pour permettre le bon fonctionnement de machines ultrasensibles, conserver des agents biologiques, ou contrôler des réactions chimiques. Cependant, une élévation de température localisée à l’échelle nanométrique dans un environnement froid peut ouvrir de nouveaux champs d’investigation. En médecine par exemple, maîtriser la température à l’échelle nanométrique permettrait d'optimiser le traitement du cancer par hyperthermie en ciblant uniquement les cellules cancéreuses. On pourrait également envisager de libérer des molécules d’intérêt par simple activation thermique. En chimie, ces gradients de température à l’échelle nanométrique pourraient être utilisés pour activer thermiquement des réactions dans des volumes ultra-réduits facilitant des synthèses de haute précision.
Pour que ces applications soient pleinement réalisables, il reste cependant essentiel de mieux comprendre comment la chaleur se diffuse à l’échelle nanométrique. Et il est donc crucial de développer de nouvelles techniques de mesure de nanothermométrie.
Rédacteur : CCdM
- 1Un atome ou un ion paramagnétique possède un moment magnétique non nul dû à la présence d électrons non appariés dans ses orbitales atomiques. Ces électrons non appariés génèrent un moment magnétique intrinsèque, qui rend l élément sensible au champ magnétique externe utilisé en spectroscopie de résonance paramagnétique électronique.