© Ioatzin Rios de Anda

Agustin Rios de AndaEnseignant-chercheur à l’Institut de chimie et des matériaux Paris-Est (CNRS/Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne)

Emergence@INC

Avec son projet CROSSLINK-AGE, Agustin Rios de Anda, enseignant-chercheur à l’Institut de chimie et des matériaux Paris-Est, est lauréat de l’appel à projet Emergence@INC2025. Par cet appel, CNRS Chimie accompagne des chargés de recherche ou maîtres de conférence recrutés depuis 4 à 10 ans en finançant un projet novateur et en encourageant la prise de risque.

Votre projet CROSSLINK-AGE vise à développer une approche multi-échelles expérimentale pour mieux évaluer le vieillissement des polymères réticulés comme le silicone ou le caoutchouc. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Un matériau polymère réticulé ressemble à un filet de but de football avec des fils interconnectés les uns aux autres par des nœuds. Les fils sont les macromolécules de polymères et les nœuds sont les points de réticulation chimique. Imaginez ce même filet qui a vieilli suite à une exposition prolongée aux intempéries et aux changements de température, usé par les nombreux impacts de ballons. Les fils et les nœuds finissent par lâcher et se rompre. Il en va de même pour les élastomères réticulés comme le caoutchouc ou le silicone : les chaînes de polymères se rompent et les nœuds cassent. D’élastique, le matériau devient fragile. Pour mieux décrire et estimer la durée de vie de ces matériaux, notamment leur résistance mécanique, il est important de connaître le mécanisme de rupture des chaînes à l’échelle moléculaire. Le projet CROSSLINK-AGE vise à élucider ces mécanismes, et plus précisément comprendre quelles chaînes de polymères sont coupées au sein du matériau, à quelle vitesse et comment. Faire le lien entre cette évolution de la structure moléculaire et les propriétés macroscopiques, notamment mécaniques, au cours du vieillissement est le second enjeu du projet.

En quoi cette recherche est-elle émergente et à risque ? 

Si certains élastomères comme les silicones sont bien connus et leur vieillissement décrit dans la littérature, c’est loin d’être le cas pour d’autres matériaux réticulés comme les polyuréthanes (PU) et les résines époxy-amines (EA). Nous ambitionnons de mettre au point des modèles multi-échelles de rupture et vieillissement qui seraient adaptables à tout type de matériau réticulé. Nous partirons donc des silicones largement décrits pour la mise au point des modèles. Toute la difficulté sera de transposer ces modèles à d’autres familles de matériaux dont le caractère réticulé (nombre de nœuds et taille de la maille du filet) varie fortement. Plus un polymère est réticulé, plus les nœuds qui lient les chaines sont rapprochés et plus il est résistant et dur. C’est le cas des PU et résines EA. Pour ces matériaux, l’influence de la rupture des chaines sur leur structure et les propriétés mécaniques est méconnu. Il se peut que les modèles développés pour les silicones soient inutilisables tels quels. Mais qui ne risque rien n’a rien, et c’est le but de ce projet.

Quelles pourraient-en être les principales retombées ?

Le projet CROSSLINK-AGE s’inscrit directement dans une démarche de durabilité et circularité des matériaux réticulés. Insolubles dans tout et infusibles, ils sont actuellement non recyclables et donc voués à être brûlés ou enterrés. Une compréhension fine et multi-échelles des mécanismes de leur vieillissement devrait ensuite permettre d’envisager des modifications chimiques pour les rendre recyclables. Par exemple, en introduisant des liaisons chimiques qui peuvent s’ouvrir ou se refermer en présence d’un solvant ou sous l’action de la température. Le projet CROSSLINK-AGE est donc un petit pas de plus vers une économie circulaire des polymères, et le soutien de CNRS Chimie devrait nous donner les résultats préliminaires nécessaires pour soutenir cette thématique.

Rédacteur : AVR