Un peptide de papillon pour lutter contre les champignons résistants
Les plantes et les insectes produisent naturellement des défensines, molécules qui les protègent contre certains champignons pathogènes. Une équipe multidisciplinaire de scientifiques vient d’élucider le mode d’action d’une telle molécule, une petite protéine optimisée à partir des défensines naturelles de papillons, et qui cible une molécule clé de la membrane des cellules fongiques. Une piste prometteuse pour mieux protéger les cultures et peut-être même soigner certaines maladies, à retrouver dans PNAS.
Les infections fongiques représentent aujourd'hui un enjeu majeur pour la santé humaine et l'agriculture, d'autant plus que les résistances aux traitements actuels se multiplient. Pour trouver de nouvelles armes, la recherche se tourne vers des molécules naturelles produites par les plantes ou les insectes, appelées défensines. C’est dans cette lignée que s’inscrit ETD151, un peptide dérivé des défensines de papillons. Optimisé pour lutter contre les champignons comme Botrytis cinerea, responsable de la pourriture grise des cultures et réputé difficile à éradiquer, son mode d’action reste peu connu.
Une équipe interdisciplinaire de scientifiques1 a percé le secret de cette arme biologique. L’efficacité d’ETD151 repose sur sa capacité à reconnaître et cibler très précisément certaines molécules composant la membrane cellulaire des champignons : les glucosylcéramides (GlcCer). Ces lipides spécifiques jouent un rôle important dans la croissance et la pathogénicité des champignons. Grâce à une étude multi-techniques, l’équipe a montré que le peptide se fixe aux GlcCer, et qu’il reste principalement à la surface des cellules fongiques d’où il déclenche ses effets délétères. Cette interaction extrêmement ciblée rend ETD151 à la fois redoutablement efficace et sélectif. En effet ETD151 ne présente pas de toxicité pour les cellules humaines saines, et à de rares exceptions près n’a aucun effet sur les bactéries.
Cette étude, publiée dans PNAS, ouvre des perspectives intéressantes pour contourner la résistance de nombreux champignons aux traitements antifongiques actuels, qui plus est souvent toxiques. Mais l’étude pourrait aller bien au-delà des antifongiques de nouvelle génération et servir également au traitement de certains cancers ou troubles métaboliques impliquant les glucosylcéramides. La petite protéine inspirée du papillon pourrait bien devenir une grande arme contre des ennemis récalcitrants.
Rédacteur: AVR
- 1Du Centre de biophysique moléculaire d’Orléans (CNRS), de l’Institut pour l’avancée des biosciences (CNRS/INSERM/Université Grenoble Alpes), de l’Institut de chimie organique et analytique (CNRS/Université d’Orléans), de la société Bayer Cropscience et de l’Université Catholique de Louvain (Belgique)
Référence
The antimicrobial activity of ETD151 defensin is dictated by the presence of glycosphingolipids in the targeted organisms
Ons Kharrat, Yoshiki Yamaryo-Botté, Rouba Nasreddine, Sébastien Voisin, Thomas Aumer, Bruno P. A. Cammue, Jean-Baptiste Madinier, Thomas Knobloch, Karin Thevissen, Reine Nehmé, Vincent Aucagne, Cyrille Botté, Philippe Bulet & Céline Landon
PNAS 2025
https://doi.org/10.1073/pnas.2415524122