Nanomédecine : agir sur la morphologie des particules pour contrôler leurs interactions avec le vivant

Résultats scientifiques

La morphologie des nanomatériaux, utilisés comme vecteurs de substances actives par voie orale, joue un rôle clé sur leur efficacité. Des scientifiques de Chimie ParisTech et du CNRS mettent en évidence l'impact de différentes formes de nanomatériaux composés d’hyaluronane sur leur performance, notamment lors de leur transit gastro-intestinal. Leurs résultats, qui révèlent le potentiel des nanoplaquettes hexagonales pour contrôler les interactions avec les milieux biologiques, ouvrent la voie à de nombreuses avancées en nanomédecine. 

Pour délivrer des médicaments au plus proche de leurs cibles par voie orale, on utilise de plus en plus fréquemment des nanomatériaux qui jouent le rôle de vecteurs en assurant le transport des substances actives dans l’organisme vivant. Leur morphologie est supposée être un des facteurs clés qui influence leur comportement, leur temps de résidence dans l’organisme, et donc leur efficacité pour la délivrance ciblée de substances actives.

Pour mieux comprendre l’influence de ce paramètre, les scientifiques de l’Institut de recherche de Chimie Paris (CNRS/ Chimie ParisTech/PSL université) ont choisi de concevoir une famille de nanomatériaux composés d’hyaluronane présentant différentes morphologies : sphérique, ellipsoïdale et en forme de nanoplaquettes hexagonales. L’hyaluronane, également appelé acide hyaluronique, est en effet une macromolécule appartenant à la famille des polysaccharides, naturellement présente dans les tissus. Sa capacité à retenir l'eau, à moduler l'inflammation, à favoriser la cicatrisation et à structurer les tissus en fait un composant clé de la biologie humaine.

Les scientifiques ont tout d’abord marqué ces nanomatériaux avec un colorant fluorescent pour permettre un suivi précis de leur comportement dans le tractus gastro-intestinal après administration orale chez des rats. La distribution des nanomatériaux a ainsi pu être étudiée en temps réel par imagerie in vivo et complétée par une analyse ex vivo après lavage des tissus intestinaux (pour éliminer les particules non adhérentes). En parallèle, des tests in vitro ont également été réalisés sur des cellules intestinales humaines pour évaluer leur cytotoxicité et leurs mécanismes d’internalisation. Enfin, une analyse histologique de portions de colons a permis d’étudier l’impact des nanomatériaux sur l’intégrité des tissus et leur potentiel inflammatoire.

Les résultats montrent que la morphologie des nanomatériaux joue effectivement un rôle déterminant dans leur comportement. Les nanoplaquettes hexagonales ont montré une rétention prolongée dans le tractus gastro-intestinal par rapport aux morphologies sphériques et ellipsoïdales. C’est cette géométrie particulière qui favorise leur adhésion à la couche de mucus intestinal, entraînant une meilleure bioadhésion et une diffusion rapide des substances actives. Mieux encore, les nanoplaquettes n’induisent pas de toxicité notable, tant in vitro qu’in vivo, et montrent même une activité anti-inflammatoire.

Ces travaux, publiés dans la revue Biomaterials Science, ouvrent la voie à de nombreuses applications. Pour n’en citer que quelques-unes, ces nanomatériaux pourraient par exemple être utilisées pour optimiser la délivrance de substances actives, en particulier pour des thérapies nécessitant une libération prolongée ou ciblée dans le tractus gastro-intestinal. Par ailleurs, grâce à leur propriété intrinsèque anti-inflammatoire, elles pourraient également offrir des solutions innovantes dans le traitement des maladies inflammatoires intestinales.

Rédacteur : CCdM

Référence

Hadji H, Cailleau C, Chassaing B, Ponchel G, Bourge M & Bouchemal K
Hyaluronan nanoplatelets exhibit extended residence time compared to spherical and ellipsoidal nanomaterials with equivalent surface potentials and volumes after oral delivery in rats 
Biomaterials Science2024, 12, 5812 - 5823
https://doi.org/10.1039/D4BM00672K

Contact

Kawthar Bouchemal
Enseignante-chercheuse à l’Institut de recherche de chimie Paris (CNRS/Chimie ParisTech/PSL)
Communication CNRS Chimie