Une nouvelle sonde pour comprendre les interactions eau-SiO₂

Résultats scientifiques

La silice (SiO₂) est la matière première essentielle pour la fabrication du verre. Elle est également utilisée pour produire des céramiques et entre dans la composition des bétons et ciments. Matériau isolant, on la retrouve maintenant dans les transistors, les puces ou les capteurs, les cosmétiques ou des systèmes de délivrance de médicaments. Fréquemment au contact de l’eau, la présence d’humidité en surface peut modifier sa structure locale et influencer ses propriétés, voire altérer ses performances. 

Pour progresser dans la compréhension des interactions eau/surface d’oxyde, les scientifiques du Laboratoire analyse, modélisation et matériaux pour la biologie et l’environnement (CNRS/Université d’Evry Paris-Saclay) ont mené une étude alliant spectroscopie expérimentale et modélisation théorique. Ils révèlent une chimie complexe et ignorée jusqu’ici faute d’expériences spectroscopiques d’interfaces aqueuses capables de sonder directement les propriétés de la surface des oxydes. 

Pour cela, ils ont mis au point une expérience d’optique non linéaire spécifique de type SFG (Sum Frequency Generation)1 . Ils sont ainsi parvenus à sonder pour la première fois directement la surface de l’oxyde au contact de l’eau liquide alors que les expériences habituelles sondent l’eau au contact de la surface. Les scientifiques ont ensuite couplé à ces mesures des simulations de dynamique moléculaire ab initio DFT-MD qui prennent en compte l’état global de la surface, à savoir la présence d’entités Si-OH et de liaisons fortes (covalentes) Si-O-Si. Ils accèdent ainsi à la réactivité chimique des liaisons Si-O-Si de surface en fonction du pH.

Enfin, en utilisant une nouvelle méthode appelée ‘pop-model’, ils ont reproduit par le calcul les résultats de spectroscopie optique non linéaire SFG dans une gamme de pH allant de 2 à 12. Ces résultats leur ont permis de corréler réactivité chimique des liaisons Si-O-Si de surface à l’acidité du milieu, mais aussi d’identifier quelques critères pour rationaliser cette réactivité, notamment la géométrie locale des sites de surface.

Des travaux publiés dans la revue Nature Chemistry qui ouvrent des perspectives dans la caractérisation fine de la reconstruction chimique et/ou physique de surfaces de nombreux oxydes au contact de l’eau liquide.

Rédacteur : CCdM

  • 1Une expérience d optique non linéaire SFG repose sur un processus optique dans lequel deux faisceaux lumineux interagissent dans un matériau pour générer un troisième faisceau dont la fréquence est égale à la somme des fréquences des deux faisceaux incidents. Elle est utilisée pour sonder des interfaces comme les surfaces solides/liquides ou solides/gaz, car le signal SFG est intrinsèquement sensible aux environnements non centro-symétriques comme les interfaces.

Référence

X. Li, F. Siro Brigiano, S. Pezzotti, X. Liu, W. Chen, H. Chen, Y. Li, H. Li, Y.R. Shen, M.-P. Gaigeot & W-T Liu
Unconventional structural evolution of an oxide surface in water unveiled by in situ sum-frequency spectroscopy
Nature Chemistry 2024
https://doi.org/10.1038/s41557-024-01658-y

© Marie-Pierre Gaigeot

Contact

Marie-Pierre Gaigeot
Enseignante-chercheuse au Laboratoire analyse, modélisation et matériaux pour la biologie et l’environnement (CNRS/Université d’Evry Paris-Saclay)
Communication CNRS Chimie