© Géraldine Féraud

Géraldine FéraudEnseignante-chercheuse au laboratoire MONARIS (CNRS/Sorbonne Université)

Emergence@INC

Avec son projet PHOBEE, Géraldine Feraud, enseignante-chercheuse au laboratoire MONARIS, est une des lauréates de l’appel à projet Emergence@INC2025. Par cet appel, CNRS Chimie accompagne des chargés de recherche ou maîtres de conférence recrutés depuis 4 à 10 ans en finançant un projet novateur et en encourageant la prise de risque.

Votre projet PHOBEE vise à comprendre les interactions qui existent entre photons de basse énergie et analogues de glace d'eau interstellaire. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Situé entre les étoiles, le milieu interstellaire est composé de molécules et de poussières. Dans les zones froides et denses, les poussières sont recouvertes de glaces composées principalement d’eau et de petites molécules carbonées (CO, CO₂ et CH₃OH). Ces glaces sont soumises à diverses formes d’énergie (chauffage par une étoile environnante, bombardement par rayons cosmiques ou irradiations photoniques), et une partie de cette énergie va exciter les vibrations des liaisons chimiques au sein des molécules et entre les molécules. Des scientifiques ont récemment montré que des excitations dans l'infrarouge étaient capables de structurer une glace d'eau amorphe, sans ordre particulier, en phases plus organisées. Elles peuvent même éjecter des molécules de la surface de la glace (processus de photodésorption infrarouge). Cependant, les mécanismes physiques de ces phénomènes restent encore mal compris. Ce projet vise à étudier expérimentalement les effets de l’irradiation infrarouge sur la restructuration des glaces et sur la désorption moléculaire, avec un focus sur la glace d’eau, un système clé en astrophysique. 

En quoi cette recherche est-elle émergente et à risque ? 

Depuis peu, le télescope JWST1  permet d’observer les glaces interstellaires avec une précision inédite offrant des informations sur leur structure et leur environnement moléculaire. Une grande partie de la communauté d'astrophysiciens et astrophysiciennes est ainsi mobilisée autour de ce télescope qui suscite de nouvelles expériences. Ce projet s'inscrit dans cette dynamique et introduit une rupture significative par rapport aux études précédentes en utilisant une irradiation infrarouge proche des conditions astrophysiques. De plus, notre projet propose d'effectuer la première étude simultanée de la restructuration de la glace et de la désorption moléculaire dans un régime continu pour des systèmes d'intérêt astrophysique. 

Dans le cadre de ce projet, la détection de la désorption des molécules sous irradiation infrarouge continue présente un défi majeur en raison de la faible intensité du signal qui est attendue. Pour surmonter cette difficulté, nous avons prévu d'utiliser du matériel très sensible, éventuellement couplé à une méthode de détection indirecte. De plus, notre équipe mettra à profit son expertise sur la désorption induite par photons de plus haute énergie que celle des photons infrarouges (UV ou X).

Quelles pourraient-en être les principales retombées ?

La glace d'eau, système d'intérêt astrophysique très important et à la physico-chimie complexe, constitue un système idéal pour ce projet. La restructuration de ces glaces ainsi que la désorption infrarouge seront ainsi mesurées, en fonction de différents paramètres. Le but à plus long terme est de déterminer quels sont les paramètres qui gouvernent la restructuration de la glace et les transferts d'énergie en son sein. Des résultats qui contribueront à une meilleure compréhension des processus de photodésorption et de restructuration des glaces interstellaires, fournissant des informations précieuses pour l'interprétation des observations du JWST et enrichissant ainsi notre connaissance de la physico-chimie des glaces.

Rédacteur : CCdM

  • 1Le James Webb Space Telescope (JWST) est un observatoire spatial dédié à l observation infrarouge de l univers développé par la NASA.