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Federico PercheChercheur au Centre de biophysique moléculaire (CNRS)

Emergence@INC

Avec son projet RISCpep, Federico Perche, chercheur au Centre de biophysique moléculaire, est lauréat de l’appel à projet Emergence@INC2025. Par cet appel, CNRS Chimie accompagne des chargés de recherche ou maîtres de conférence recrutés depuis 4 à 10 ans en finançant un projet novateur et en encourageant la prise de risque.

Votre projet RISCpep vise à augmenter l’efficacité des ARN interférents en chimie thérapeutique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les ARN interférents (siRNA) sont de petits ARN (≈20 nucléotides) capables d'abolir spécifiquement l'expression d'un gène dans une cellule (silençage), en se liant à un ARN messager de séquence complémentaire. Ils sont à l’origine d’approches thérapeutiques innovantes pour traiter les maladies en « silenciant » les gènes qui les causent ou y contribuent. A ce jour, cinq siRNA ont été approuvés cliniquement. Ces composés se distribuent efficacement dans les cellules de l’organisme. Leur activité thérapeutique repose largement sur l’interaction avec le complexe protéique RISC dans la cellule. Ce complexe est une machinerie moléculaire essentielle dans la régulation de l’expression des gènes par le siRNA. Il est communément admis que moins de 1% des siRNA présent dans le cytoplasme d’une cellule donnée interagit avec la protéine active du RISC. Notre projet vise à augmenter ces interactions. En collaboration avec l’équipe du Dr Vincent Aucagne au Centre de biophysique moléculaire (CNRS), nous prévoyons de synthétiser plusieurs siRNA fonctionnalisés avec des peptides candidats pour cibler le RISC. Nous évaluerons les propriétés des conjugués siRNA-peptides et leur efficacité de silençage.

En quoi cette recherche est-elle émergente et à risque ? 

Les thérapies siRNA sont confrontées à trois problèmes majeurs : l’internalisation cellulaire (entrée dans la cellule cible), l’instabilité des siRNA et la faible quantité de siRNA qui atteignent le RISC. La conjugaison des siRNA avec des monoscaccharides et l’utilisation de bases modifiées permettent d’augmenter l’internalisation cellulaire des siRNA et leur stabilité intracellulaire, ce qui augmente indirectement l’interaction avec le RISC. Avec le projet RISCpep, nous comptons explorer une nouvelle solution de ciblage du complexe protéique RISC complémentaire de ces approches. Cette modalité additionnelle, fondamentalement nouvelle dans la délivrance de siRNA, pourrait augmenter fortement l’efficacité des approches thérapeutiques par siRNA. Un des risques est que la conjugaison du peptide ciblant le RISC abroge l’activité du siRNA, mais les résultats de conjugaison de peptides de pénétration intracellulaire à des siRNA obtenus jusqu’ici semblent rassurants.

Quelles pourraient-en être les principales retombées ?

Le laboratoire Alnylam, entreprise biopharmaceutique pionnière des thérapies siRNA, a mis au point plusieurs conjugués monosaccharides-siRNA approuvés. Ils ont récemment mis en évidence que, après injection sous-cutanée de conjugués GalNAc-siRNA, la distribution de seulement 0.17 % du siRNA dans le RISC a permis 80% de silençage. Tester des solutions inédites pour augmenter le chargement des siRNA dans le RISC est donc pleinement justifié scientifiquement car même une faible augmentation de chargement dans le RISC aura un fort intérêt thérapeutique. Une forte augmentation serait un bond considérable qui permettrait de diminuer les doses et donc les coûts et les effets indésirables des traitements. Le soutien de CNRS Chimie pour ce projet devrait permettre l’obtention de premiers résultats essentiels pour renforcer ma thématique propre et indépendante. Il est également essentiel que la France reste compétitive sur les thérapies ARN, un domaine de recherche important dans un contexte international très concurrentiel.

Rédacteur : AVR