Comment les bactéries gèrent le cuivre en excès
Face à la menace toxique du cuivre, les bactéries ont développé des stratégies de détoxification remarquables. L’une d’elles repose sur l’enzyme CueO. Une équipe de scientifiques marseillais a mis en lumière le rôle clé de certains domaines de ces enzymes qui agissent comme de véritables antennes moléculaires dans la gestion et l’élimination du cuivre en excès. Des résultats publiés dans PNAS dont les retombées biotechnologiques et thérapeutiques pourraient être nombreuses.
Le cuivre, bien qu'essentiel à de nombreux processus biologiques, devient toxique lorsqu'il s'accumule dans les cellules. Pour se protéger, des bactéries comme Escherichia coli utilisent des systèmes de détoxification sophistiqués. L’un de ces systèmes implique l’enzyme CueO. Cette multicopper oxydase transforme les ions cuivre (Cu+) en une forme moins nocive (Cu2+), tout en minimisant la formation de radicaux oxygénés destructeurs. Une caractéristique intrigante de l’enzyme CueO est son domaine flexible et riche en acides aminés de type méthionine, dont la fonction reste largement débattue.
Une équipe de chimistes et biologistes du laboratoire Bioénergétique et ingénierie des protéines et du Laboratoire de chimie bactérienne (CNRS/Aix Marseille Université) s’est penchée sur le rôle de ce domaine en combinant des expériences de biochimie, biophysique et électrochimique à des tests sur des bactéries vivantes. Ils ont découvert qu’il agit comme un véritable collecteur de cuivre en facilitant l'accès des ions Cu+ fortement liés à d'autres molécules vers le site actif de l’enzyme, accélérant ainsi leur transformation.
Cette étude, parue dans PNAS, ouvre des perspectives d’innovations thérapeutiques et biotechnologiques intéressantes. D’une part, comprendre ces mécanismes de détoxification chez les bactéries pourrait inspirer des biotechnologies exploitant la capacité des enzymes à manipuler le cuivre. Par ailleurs, le cuivre est une des armes utilisées par les macrophages pour combattre les infections bactériennes. Cette compréhension pourrait éclairer comment des pathogènes tels que Escherichia, Pseudomonas, ou Salmonella échappent au système immunitaire et inspirer le développement de thérapies innovantes contre la résistance aux antibiotiques. Une piste prometteuse dans la lutte contre les bactéries pathogènes.
Rédacteur : AVR
Référence
Methionine-rich domains emerge as facilitators of copper recruitment in detoxification systems
Umberto Contaldo, Dylan Savant-Aira, Alexandra Vergnes, Jérôme Becam, Frédéric Biaso, Marianne Ilbert, Laurent Aussel, Benjamin Ezraty, Elisabeth Lojou, Ievgen Mazurenko
PNAS 2024
https://doi.org/10.1073/pnas.240286212