Le minimum vital : un nouveau schéma théorique de la vie

Résultats scientifiques

C’est un système qui vit, se reproduit, connaît la sélection naturelle et peut mourir. Un chimiste du laboratoire Physique des interactions ioniques et moléculaires a proposé un schéma où une molécule, dans un système alimenté en énergie, se comporte comme « le monde du vivant ». Parus dans Chemistry - A European Journal, ces travaux offrent une nouvelle perspective sur l’apparition de la vie.

Depuis l’expérience de Miller de 1953, montrant que des réactions chimiques peuvent être à l’origine de la vie sur Terre, une partie de la recherche se concentre sur la découverte des voies de synthèse possibles dans les conditions de l’environnement primitif de notre planète. D’autres scientifiques s’intéressent plutôt à comprendre ce qu’est le vivant. Robert Pascal, directeur de recherche émérite au laboratoire de Physique des interactions ioniques et moléculaires (CNRS/Aix-Marseille Univ.), a ainsi proposé un nouveau modèle théorique minimaliste de processus vivants. Dans ce système, basé sur des cycles autocatalytiques simples, un apport d’énergie permet de compenser l’instabilité thermodynamique et d’atteindre une stabilité cinétique grâce à la multiplication de la molécule activée d’origine.

Ce schéma repose sur une molécule thermodynamiquement activée qui, du moment qu’on lui apporte de l’énergie, se transforme en un second composé, qui peut éventuellement se transformer lui-même en un troisième composé. Après un tour complet, le cycle mène à deux exemplaires de la molécule de départ, lui permettant de se poursuivre. Le système est alors capable de croître et de se reproduire. En l’absence d’énergie, la dégradation des espèces activées mène à des sous-produits qui ne permettent pas de reconstituer un cycle : le système « meurt » définitivement et ne peut pas être relancé.

Ce schéma théorique prend en compte d’autres paramètres du vivant, comme la sélection naturelle. Plusieurs systèmes différents peuvent en effet être en compétition pour une même source d’énergie, permettant au plus efficace de l’emporter et laissant les autres dépérir. On ne retrouve pas la capacité d’adaptation et de variation d’un code génétique, mais un tel système pourrait avoir fait son apparition avant ce principe.

Le schéma reproduit ainsi le comportement des êtres vivants, capables d’émerger, de croître, d’entrer en compétition avec des congénères et de mourir. Ce modèle a également l’avantage de pouvoir s’enclencher à partir d’un seul exemplaire d’une espèce chimique très rare et très instable, au sein d’un fouillis moléculaire. La suite de ces travaux consistera notamment à trouver des composés chimiques compatibles avec l’environnement primitif et capables de reproduire ce schéma théorique.

Rédacteur : MK

Références

R. Pascal. Evolutionary Abilities of Minimalistic Physicochemical Models of Life Processes. Chem. Eur. J. 2024, 30, e20241780.
https://doi.org/10.1002/chem.202401780
https://exobiologie.fr/emergence-de-la-vie-vers-des-modeles-chimiques-minimaux/

La molécule de base, R, est activée en R* grâce à l’apport en énergie. R* donne un premier intermédiaire activé, I1*, qui donne un second intermédiaire : I2*. La décomposition de I2* donne au moins deux exemplaires de R*, permettant au cycle de croître et et de recommencer. Les molécules se renouvellent en permanence, mais le système est stable. © Robert Pascal

Contact

Robert Pascal
Chercheur émérite au laboratoire de Physique des interactions ioniques et moléculaires (CNRS/Aix-Marseille Université)