Promesse tenue pour valoriser le CO₂ en éthanol

Résultats scientifiques

Une équipe internationale de chimistes a mis au point un nouveau catalyseur moléculaire supporté sur du nickel qui permet de convertir sélectivement le CO₂ en éthanol de façon efficace. Ce procédé innovant surmonte les limites d’autres systèmes développés jusqu’ici, moins sélectifs ou trop peu stables pour une utilisation à l’échelle industrielle. Une avancée publiée dans Nature Catalysis qui ouvre la voie à une production durable de carburants non fossiles. 

La transformation du dioxyde de carbone (CO₂) en produits chimiques à plus haute valeur ajoutée, comme des carburants, est un défi majeur de la chimie verte. La molécule de CO2 étant très stable, cette transformation nécessite de l’énergie et la mise au point de catalyseurs efficaces et peu coûteux. Plusieurs procédés électrochimiques ont ainsi été mis au point ces dernières années, qui utilisent des électrodes à base de cuivre, qui sert de catalyseur, ou des électrodes à base de carbone recouvertes de catalyseurs moléculaires*. Jusqu’ici, ces derniers ont surtout réussi à produire des composés simples comme le monoxyde de carbone (CO) ou le formiate (HCOO-). L’obtention de produits plus complexes impliquant des liaisons carbone-carbone reste encore difficile.

Si les catalyseurs à base de cuivre y parviennent, ils génèrent souvent un mélange de molécules à deux carbones ou plus, typiquement de l’éthanol mais aussi de l’éthylène et de l’acétate, avec peu de contrôle sur la sélectivité. Dans la perspective d’une économie circulaire du carbone, il serait bien évidemment préférable de produire directement de l’éthanol, sans devoir rajouter des étapes de purification et de séparation des produits. Une équipe internationale de scientifiques a récemment développé un nouveau système catalytique qui surmonte ces obstacles en utilisant un complexe organométallique de fer, la tetraphénylporphyrine de fer ou Fe-TPP, déposée sur un support de nickel. 

Les chercheurs hollandais, américains, canadiens et français (à l’Institut parisien de chimie moléculaire - CNRS/Sorbonne Université) ont utilisé une approche innovante qui consiste à accrocher le catalyseur moléculaire, un complexe de fer, sur une mousse de nickel. Cette stratégie, qui abandonne les supports carbonés traditionnels pour utiliser des électrodes métalliques et ce malgré leur potentiel pour des réactions électrochimiques concurrentes, leur a permis d’obtenir une conversion quasi-totale du CO2 en éthanol. De manière remarquable, l'électrode en nickel-Fe-TPP offre des rendements élevés d’éthanol à des potentiels faibles sans produire de sous-produits indésirables comme l'acétate ou le méthane, surpassant tous les systèmes non basés sur le cuivre. Et cette efficacité perdure au cours de nombreuses heures d’utilisation.

Cette avancée, publiée dans Nature Catalysis, remet en question les hypothèses de longue date sur les catalyseurs moléculaires. Elle offre surtout de nouvelles voies électrochimiques pour convertir le CO₂ et le CO en alcools comme l’éthanol, mais aussi le méthanol ou le propanol. L'éthanol produit peut facilement être stocké et utilisé comme carburant renouvelable, offrant une alternative durable aux ressources fossiles et réduisant la dépendance à la production de bioéthanol très gourmande en biomasse et en eau. Et si la boucle était bientôt bouclée pour le CO2 ? 

*Contrairement aux catalyseurs solides ou métalliques traditionnels, les catalyseurs moléculaires sont souvent des complexes organométalliques, où un atome de métal central est entouré de ligands organiques qui modifient ses propriétés chimiques.

Rédacteur : AVR

Référence

Eliminating redox-mediated electron transfer mechanisms on a supported molecular catalyst enables CO2 conversion to ethanol
Maryam Abdinejad, Amirhossein Farzi, Robin Möller-Gulland, Fokko Mulder, Chengyu Liu, Junming Shao, Jasper Biemolt, Marc Robert, Ali Seifitokaldani & Thomas Burdyny
Nature Catalysis 2024
https://doi.org/10.1038/s41929-024-01225-1

Contact

Marc Robert
Enseignant-chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire (CNRS / Sorbonne Université)
Communication CNRS Chimie