Du nouveau pour l’imagerie médicale non-invasive

Résultats scientifiques Vivant et santé

Des chimistes du CNRS ont franchi une étape importante dans le domaine de l'imagerie biomédicale. Grâce à la mise au point de molécules capables d'émettre plusieurs signaux lumineux distincts dans une région spécifique du domaine proche infrarouge, ils sont parvenus à visualiser en temps réel, et de manière non-invasive, des structures biologiques profondes avec une précision et un contraste inégalés. Une découverte qui pourrait considérablement améliorer la détection précoce de certaines pathologies.

Les techniques d'imagerie médicale utilisées aujourd'hui, comme les rayons X ou les ultrasons, ont leurs limites, notamment en termes de résolution ou de pénétration des tissus, ou encore de dommages sur les tissus sains. Dans ce contexte, l'imagerie dans la seconde fenêtre proche infrarouge (NIR-II), qui inclut les rayonnements de longueurs d’onde allant de 1000 à 1700 nm, offre une solution prometteuse. Elle permet en effet de "voir" plus profondément à l'intérieur des tissus biologiques grâce à la faible absorption et diffusion de la lumière par les tissus dans cette gamme de longueurs d'onde. Toutefois, un obstacle majeur subsiste : trouver des agents d'imagerie capables d'émettre des signaux lumineux suffisamment intenses dans cette fenêtre proche infrarouge et dont l’innocuité soit vérifiée. Les agents actuels sont souvent des nanomatériaux, alors que les sondes moléculaires, qui seraient plus faciles à manipuler et à utiliser en biologie, sont plus rares.

C’est dans ce contexte que des chimistes du Centre de biophysique moléculaire à Orléans (CNRS) ont développé une série d’agents d'imagerie moléculaires appelés «métallacouronnes» (ou metallacrowns) à base de lanthanides (Yb³⁺, Nd³⁺ et Er³⁺) fonctionnalisés avec des complexes de ruthénium (Ru²⁺). Ces derniers possèdent une forte absorption dans visible et transforment cette énergie en lumière émise par les ions de lanthanides dans le domaine du NIR-II. Ce procédé rend possible l'excitation dans la lumière visible, évitant ainsi d'utiliser des sources lumineuses dans l'ultraviolet, qui peuvent endommager les tissus biologiques. Cela signifie qu'en éclairant ces molécules avec une lumière visible, on peut obtenir des images de haute qualité des tissus profonds, grâce aux signaux émis par les lanthanides. Les tests effectués montrent que ces molécules sont stables, qu’elles émettent des signaux lumineux intenses qui peuvent être détectés à travers d’un fantôme imitant les tissus biologiques. 

Mais ce n’est pas tout ! L’étude a également montré que ces agents d'imagerie émettent plusieurs signaux lumineux distincts dans le domaine du NIR-II, correspondant aux transitions spécifiques des ions Yb³⁺, Nd³⁺ et Er³⁺. Ces molécules permettent donc de faire ce que l’on appelle de l’imagerie « multiplexe », c’est-à-dire de visualiser simultanément plusieurs marqueurs biologiques dans un même tissu.

Cette avancée, publiée dans la revue Angewandte Chemie International Edition, pourrait transformer le diagnostic médical en le rendant plus précis et moins invasif. Bien plus, ces agents d’imagerie pourraient également rendre possible le suivi en temps réel de traitements et de l’évolution d’une pathologie.

Rédacteur : AVR

Référence

Enabling Visible Light Sensitization of YbIII, NdIII and ErIII in Dimeric LnIII/GaIII Metallacrowns through Functionalization with RuII Complexes for NIR-II Multiplex Imaging
Codruţa C. Bădescu-Singureanu, Anton S. Nizovtsev, Vincent L. Pecoraro, Stéphane Petoud & Svetlana V. Eliseeva
Angewandte Chemie International Edition 2024
https://doi.org/10.1002/anie.202416101

Contact

Svetlana V. Eliseeva
Chercheuse au Centre de biophysique moléculaire d'Orléans (CNRS)
Stéphane Petoud
Chercheur au Centre de biophysique moléculaire d'Orléans (CNRS)
Communication CNRS Chimie