Comment des micronageurs artificiels pénètrent les membranes cellulaires
Comment des micronageurs biologiques comme les bactéries font-ils pour pénétrer dans les cellules ? Des scientifiques du CNRS montrent que les interactions hydrodynamiques entre un micronageur artificiel et une cellule modèle mènent à l'engloutissement complet du nageur par la membrane cellulaire. Ils reproduisent ainsi les premières étapes du transport autonome d’un objet microscopique mobile, dit « actif », vers l’intérieur d’une cellule, menant à des applications concrètes comme la vectorisation de médicaments.
Les micronageurs artificiels sont des systèmes élaborés pour mimer et comprendre le comportement des micronageurs biologiques que sont les bactéries, les spermatozoïdes ou certaines algues. Une description précise des interactions physiques dictant le comportement de ces objets à l’approche d’interfaces comme les membranes cellulaires est essentielle. En effet, ce sont des candidats prometteurs pour réaliser des tâches complexes à l’échelle microscopique en milieu biologique, notamment dans le cadre d’applications médicales comme le transport de principes actifs.
Plusieurs obstacles freinent actuellement le développement d’applications réalistes pour ces objets dans des environnements biologiques. En particulier, la propulsion de ces micronageurs artificiels nécessite un carburant (très souvent le peroxyde d’hydrogène) qui peut altérer la santé des tissus biologiques et des cellules.
Des scientifiques de l’Institut Charles Sadron (CNRS), en collaboration avec une équipe de chimistes de la Technische Universität Dresden, proposent donc un nouveau système de propulsion. Ils ont ainsi réalisé l’autopropulsion de particules micrométriques de silice (SiO2*) partiellement recouvertes d’une couche nanométrique de cuivre, qui utilisent comme carburant du glucose en concentration physiologique et de la lumière visible. Mieux encore, le flux hydrodynamique généré par le mécanisme d’auto-propulsion de ces particules engendre des interactions attractives avec les compartiments cellulaires modèles menant à la déformation de la membrane jusqu’à l’engloutissement complet du micronageur par celle-ci.
Leurs études combinant microscopie dite « en champ clair », microscopie de fluorescence, et confocale, ont permis d’identifier les différentes interactions physiques entre le micronageur et la membrane modèle qui mènent à l’endocytose, c’est-à-dire la pénétration du micronageur à l’intérieur de la cellule.
Ces résultats publiés dans la revue Soft Matter permettent de mieux comprendre les mécanismes fondamentaux d’interaction entre un corps micrométrique actif et une membrane cellulaire, fournissant ainsi des pistes pour des nouvelles applications comme, par exemple, la vectorisation de médicaments.
* Les microparticules à base de dioxyde de silicium sont souvent utilisées comme micronageurs artificiels car elles sont chimiquement stables, biocompatibles, et leur surface peut facilement être fonctionnalisée pour des applications spécifiques.
Rédacteur : CCdM
Référence
Florent Fessler, Martin Wittmann, Juliane Simmchen & Antonio Stocco
Autonomous engulfment of active colloids by giant lipid vesicles
Soft Matter 2024
https://hal.science/hal-04679998
https://pubs.rsc.org/en/content/articlepdf/2024/sm/d4sm00337c