Une membrane d’or ultrafine pour mieux observer la surface des matériaux
Dans le cadre d’une coopération internationale, des scientifiques du CNRS viennent de mettre au point une membrane d’or ultrafine qui permet d’accéder, par spectroscopie Raman, aux propriétés de surface de matériaux d’intérêt inaccessibles par des méthodes traditionnelles. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.
Les surfaces des matériaux sont souvent déterminantes pour leurs propriétés. Catalyseurs, cellules solaires ou batteries en sont quelques exemples. Pour les catalyseurs, il s’agit de réactions chimiques qui sont accélérées à leur surface. Pour les batteries, les propriétés de surface des électrodes sont déterminantes pour leur efficacité et leur comportement à long terme.
Pour étudier les propriétés de ces matériaux, les scientifiques utilisent depuis de nombreuses années la spectroscopie Raman. Elle utilise un faisceau laser qui est analysé après diffusion sur le matériau. La lumière diffusée portant l’information sur les vibrations interatomiques permet d’obtenir, de manière non destructive, une véritable empreinte digitale de la structure de l’objet examiné.
Mais l’application de cette méthode puissante à la caractérisation de surfaces reste limitée. En effet, le faisceau laser utilisé pour sonder le matériau pénètre profondément dans la matière (quelques micromètres). Les signaux Raman que l’on recueille sont donc principalement émis par l’intérieur de l’objet. Ils masquent ceux qui proviennent de la surface, d’intensités beaucoup plus faibles car ils n’impliquent que quelques couches atomiques.
Des scientifiques de l’Institut des molécules et des matériaux du Mans (CNRS / Le Mans Université)*, en collaboration avec l'Université Humboldt de Berlin, l’IKZ Berlin et l’ETH Zurich,contournent cette difficulté et rendre la spectroscopie Raman utilisable pour les surfaces. Ils ont développé une méthode basée sur une membrane d’or spécifique, d’une épaisseur de 20 nanomètres avec des pores allongés d’une centaine de nanomètres. Déposée sur la surface à analyser, cette membrane empêche le rayon laser de pénétrer à l’intérieur du matériau. En revanche au niveau des pores agissant comme des antennes plasmoniques, elle augmente la lumière réémise par les quelques premiers nanomètres de la surface. Ces deux effets combinés amplifient considérablement le signal Raman de la surface par rapport au signal obtenu de manière conventionnelle, sans membrane.
C’est sur du graphène que les scientifiques ont tout d’abord démontré la sensibilité de ce mode d’observation. Ils ont observé une amplification du signal Raman de la surface d’un facteur 100 et montré que ce signal provenait des deux premiers nanomètres en surface.
Ils ont ensuite caractérisé la surface de silicium « contraint », un matériau d’intérêt pour des applications en technologies quantiques. Grâce à l’application de la membrane d’or, le signal de surface amplifié a pu être pour la première fois clairement distingué des autres signaux Raman du matériau. L'application de cette technique à des films minces de LaNiO3, des oxydes métalliques de type pérovskite qui entrent dans la fabrication des électrodes, a révélé une surface altérée par rapport à la structure du cœur du matériau qui pourrait nuire à sa conductivité.
Les scientifiques proposent maintenant d’adapter ces mesures aux demandes des utilisateurs. En jouant par exemple sur la taille des pores, la méthode pourrait être étendue, par exemple, à des surfaces biologiques où à l’étude de réactions chimiques liées aux surfaces.
* En collaboration avec des équipes du Leibniz-Institut pour la croissance des cristaux et de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.
Rédacteur : CCdM
Référence
Wyss RM, Kewes G, Marabotti P et al.
Bulk-suppressed and surface-sensitive Raman scattering by transferable plasmonic membranes with irregular slot-shaped nanopores
Nature Communications 2024