Décrire la structure des matériaux thermoélectriques pour prédire leurs propriétés

Résultats scientifiques

Les matériaux thermoélectriques permettent de produire de l’électricité à partir de sources de chaleur perdue. Des scientifiques viennent d’établir quels types de réseau cristallin seraient susceptibles de générer des conductivités thermiques faibles combinées à des conductivités électriques élevées pour optimiser le rendement de conversion énergétique.

Pour satisfaire nos besoins croissants en énergie dans un contexte de développement durable, les systèmes thermoélectriques pourraient jouer un rôle croissant dans la production d’électricité à partir de sources de chaleur perdue. L’effet thermoélectrique repose sur une différence de température entre deux matériaux conducteurs qui fait naître une différence de potentiel à leurs jonctions, et donc un courant. C’est l’effet Seebeck. Cet effet est notamment exploité dans les générateurs « radioisotopiques » des sondes et rovers pour l’exploration spatiale lointaine. Le processus inverse, appelé effet Peltier et exploité pour le refroidissement, permet d’induire un gradient de température par l’application d’un courant électrique aux bornes des matériaux.

Pour obtenir un bon rendement de conversion de l’énergie thermique en électricité, les matériaux doivent présenter une conductivité thermique aussi faible que possible et une conductivité électrique maximale. Les scientifiques du Laboratoire de cristallographie et science des matériaux (CNRS/Université de Caen/ENSICAEN) étudient depuis plusieurs années la structure cristalline de matériaux sulfures. Ils cherchent à mieux comprendre le rôle de la structure sur les propriétés électriques et thermiques dans le but d’améliorer les performances thermoélectriques des matériaux et de développer ainsi des systèmes thermoélectriques à même d’être utilisés dans de nombreux domaines (bâtiment, industrie, microélectronique…).

Dans le cadre d’une coopération internationale*, deux études publiées dans le Journal of the American Chemical Society viennent de montrer comment la coordination et la nature des éléments au sein de la structure cristalline de composés sulfures gouvernent l’arrangement du réseau cristallin, les liaisons chimiques, les modes de vibration, et in fine, les propriétés thermoélectriques.

Pour analyser la structure des micro-cristaux qui composent les matériaux synthétisés au laboratoire CRISMAT, les chercheurs ont notamment utilisé la diffraction par précession des électrons en mode tomographie, une technique de pointe développée dans ce même laboratoire. Cette technique permet de sonder des zones de seulement quelques dizaines de nanomètres et d’analyser en détails la structure des matériaux. Les résultats obtenus, couplés notamment à des calculs théoriques, montrent comment les faibles liaisons atomiques dans des structures de basse dimensionalité (1D ou 2D) et la forte vibration des atomes influent sur les propriétés. Des résultats qui permettent d’établir quels types de réseau cristallin seraient susceptibles de générer des conductivités thermiques faibles et des conductivités électriques élevées pour développer de nouveaux matériaux thermoélectriques performants. Avec de nouvelles applications comme par exemple la récupération de la chaleur corporelle ou la climatisation plus efficace des bâtiments.

* Avec l’Institut des Sciences Chimiques de Rennes, l’Institut Jean Lamour à Nancy, la Chine, l’Inde et les Etats-Unis.

Rédacteur : CCdM

Références

Krishnendu Maji, Bernard Raveau, Pierric Lemoine, Philippe Boullay, Paribesh Acharyya, Xingchen Shen, Adèle Renaud, Vincent Pelletier, Régis Gautier, Virginia Carnevali, Marco Fornari, Bin Zhang, Xiaoyuan Zhou, Bertrand Lenoir, Christophe Candolfi, Emmanuel Guilmeau

Three-fold coordination of copper in sulfides: a blockade for hole carrier delocalization but a driving force for ultralow thermal conductivity

J. Amer. Chem. Soc. 146 (2024) 9741

https://doi.org/10.1021/jacs.3c13884

 

 

Paribesh Acharyya, Koushik Pal, Bin Zhang, Tristan Barbier, Carmelo Prestipino, Philippe Boullay, Bernard Raveau, Pierric Lemoine, Bernard Malaman, Xingchen Shen, Maxime Vaillant, Adèle Renaud, Blas P. Uberuaga, Christophe Candolfi, Xiaoyuan Zhou, Emmanuel Guilmeau

Structure low dimensionality and lone pair stereochemical activity, the key to low thermal conductivity in Pb-Sn-S system

J. Amer. Chem. Soc. 146 (2024) 13477

https://doi.org/10.1021/jacs.4c02893

Réseaux cristallins Cu-S et relations structures/propriétés © Emmanuel Guilmeau
Structures cristallines des composés PbSnS3 (a) et PbSnS2 (b) © Emmanuel Guilmeau

Contact

Emmanuel Guilmeau
Chercheur au Laboratoire de cristallographie et sciences des matériaux (CNRS/Université Caen Normandie/ENSICAEN)
Communication CNRS Chimie