Samuel Marre
Certaines roches et microorganismes de la lithosphère réagissent avec le CO2 pour former de l’hydrogène et du méthane. Samuel Marre, chercheur à l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux) a conçu un réacteur reproduisant des conditions géologiques extrêmes pour étudier cette piste de valorisation du CO2. Ce projet a obtenu un financement ERC Proof of concept.
Lors des expériences de stockage géologique du CO2 atmosphérique, on a remarqué que certaines roches et microorganismes de la lithosphère réagissent au contact de ce gaz et forment de l’hydrogène et du méthane qui sont d’excellentes sources d’énergie. Mais voilà, pour étudier cette piste de valorisation du CO2, il faut caractériser ces environnements profonds de la croûte terrestre où siègent des pressions et des températures extrêmes. Tout un défi technologique et scientifique. C’est là qu’interviennent les microréacteurs en saphir développés par Samuel Marre. Ces dispositifs qui tiennent dans la paume de la main permettent de réaliser des expériences jusqu’à 1000 bar et 800°C. Ils pourraient redonner des couleurs à l’idée de valorisation du CO2 stocké dans des roches souterraines, mais aussi faire avancer de nombreux domaines scientifiques.
C’est lors d’un stage chez Philips que Samuel Marre ressent pour la première fois le frisson de la recherche. Plutôt qu’une carrière dans le privé, il décide de réaliser un doctorat à l’Université de Bordeaux, puis un postdoctorat au prestigieux MIT. C’est à Cambridge qu’il découvre la microfluidique, un domaine alors encore récent. L’idée consiste à faire passer des fluides dans des micro-canaux gravés sur un substrat. « Ces microréacteurs s’inspirent des puces électroniques, dans une version fluidique. Ils permettent de faire des expériences avec de très petits volumes et de réaliser in situ toutes sortes de mesures », rappelle Samuel Marre. Au MIT, le chercheur parvient à créer des microréacteurs adaptés aux hautes pressions et hautes températures.
De retour en France, il entre au CNRS, à l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux (ICMCB). Grâce à aux « laboratoires sur puce » qu’il développe, il étudie en particulier les fluides supercritiques, des fluides placés dans des conditions où ils se comportent à la fois comme des gaz et comme des liquides. Puis, en 2017, grâce à une bourse ERC consolidator, il lance le projet Big Mac. Le but ? Evaluer la possibilité de stocker du CO2 dans des formations géologiques profondes et de le transformer en hydrogène ou en méthane grâce à l’action des roches et des microorganismes extrémophiles. Pour bien caractériser ces actions, il doit réaliser de nombreuses expériences dans de conditions extrêmes de pression et de température. Pour ce faire, il met au point un microréacteur d’un genre nouveau. Au lieu d’utiliser un substrat en silicium, comme pour la plupart des microréacteurs, il choisit le saphir. L’avantage ? « Le saphir possède des propriétés thermomécaniques bien supérieures. De plus, il est transparent dans une large gamme de longueurs d’ondes, ce qui permet d’observer les réactions en temps réel. Enfin, le saphir possède une grande inertie chimique et il est biocompatible, ce qui permet d’y introduire des microorganismes et d’y étudier des réactions biogéochimiques ».
Ce « laboratoire sur puce » en saphir fait vite parler de lui. « Des chercheurs et des industriels venaient et nous demandaient si on commercialisait ces microréacteurs ». C’est de là qu’est venue l’idée du projet Salami qui vient d’obtenir la bourse ERC Proof of Concept. Salami vise à optimiser la fabrication de ces microréacteurs en saphir afin de créer, à terme, une start-up chargée de les mettre sur le marché. I Ces dispositifs permettront de réaliser des expériences en biologie, sciences des matériaux, catalyse et autres à de hautes températures et hautes pressions.
Dans le même temps, Samuel Marre continue ses travaux sur la chimie des extrêmes. Parmi ses projets les plus fascinants : la recherche des origines de la vie. Certains imaginent que le berceau de la vie se trouve dans les sources hydrothermales du fond des océans. Si tel est le cas, les microréacteurs en saphir pourraient permettre de reproduire les conditions dans lesquelles les premières membranes et les premières protéines sont apparues il y a 4 milliards d’années. Le tout, dans un objet que l’on peut tenir dans sa main !