Observer l’eau des cellules pour suivre les traitements anticancéreux qui utilisent la lumière

Résultats scientifiques

Grâce à une technique de spectroscopie originellement développée pour la science des matériaux, l’eau devient un moyen original pour suivre la réponse biologique des cellules à un stress spécifique, comme l’exposition à un agent thérapeutique photoactivable. C’est ce que viennent de mettre en évidence des scientifiques du CNRS dans une étude parue dans la revue Advanced Science.

La spectroscopie térahertz (THz) est une technique physique largement utilisée pour caractériser des matériaux à l’aide d’ondes électromagnétiques. Dans une gamme de fréquences qui varie de quelques centaines de GigaHz à quelques THz, elle s’accompagne d’une forte réponse de l’eau qui ouvre de potentielles applications pour les études biologiques des tissus et cellules riches en eau. Contrairement à d’autres techniques d’imagerie, les rayonnements utilisés en spectroscopie THz pour sonder l’échantillon sont sans danger pour les tissus biologiques car ils n’interagissent pas physiquement avec la matière.

Grâce à cette spectroscopie, un consortium interdisciplinaire de physiciens, chimistes et biologistes français a récemment visualisé et quantifié les phénomènes précoces intervenant à l’échelle de la membrane des cellules suite à un traitement anticancéreux par thérapie photodynamique (PDT). Encore peu implanté en France, ce traitement utilise des molécules photosensibles. En l’absence d’excitation lumineuse, ces molécules sont non toxiques et inactives. Suite à une activation lumineuse et en présence d’oxygène, elles génèrent par contre un stress oxydant local qui peut conduire à la mort cellulaire dans le cas des applications médicales anticancéreuses.

Les scientifiques du laboratoire des Interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier), du Laboratoire d'optique et biosciences de l’École polytechnique (CNRS/INSERM/Institut Polytechnique de Paris) et du Centre de microscopie électronique appliquée à la biologie (Université Toulouse III – Paul Sabatier) ont mené ces mesures physiques par spectroscopie THz en parallèle à des expérimentations biologiques habituelles en laboratoire. L’effet du traitement par thérapie photodynamique de cellules cancéreuses a ainsi pu être mis en évidence. Les résultats obtenus indiquent une réelle plus-value de la spectroscopie THz pour suivre le traitement par rapport aux approches biologiques de référence. D’abord, elle permet d’observer l’évolution des réponses cellulaires dès le démarrage de l’irradiation lumineuse, en suivant en temps réel le contenu intracellulaire en eau sur des échelles de temps de plusieurs heures. En suivant le nombre de défauts (trous) créés sur la membrane des cellules cancéreuses, elle permet également une estimation quantitative des dégâts engendrés par le stress oxydant local lors de la thérapie photodynamique. La spectroscopie THz est donc une technique prometteuse et complémentaire aux études et techniques biologiques classiques et établies.

Ces résultats, à retrouver dans la revue Advanced Science, ouvrent de nouvelles perspectives dans la compréhension de phénomènes biologiques induisant une modulation du contenu en eau de la cellule, comme c’est le cas dans le traitement anticancéreux par thérapie photodynamique.

Rédacteur: AVR

Observation par microscopie à balayage de cellules cancéreuses non traitées (à gauche) et traitées avec un médicament activé par la lumière (PDT, à droite). © Rachel Brival – IMRCP/CMEAB

Référence

Terahertz spectroscopy sheds light on real-time exchange kinetics occurring through plasma membrane during photodynamic therapy treatment
Xiujun Zheng, Blandine Lordon, Anne-Françoise Mingotaud, Patricia Vicendo, Rachel Brival, Isabelle Fourquaux, Laure Gibot & Guilhem Gallot
Advanced Science April 2023.
DOI : 10.1002/advs.202300589

Contact

Laure Gibot
Chercheuse au laboratoire des Interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier)
Anne-Francoise Mingotaud
Chercheuse au laboratoire des Interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier)
Guilhem Gallot
Chercheur au Laboratoire d'optique et biosciences de l’École polytechnique (CNRS/INSERM/Institut Polytechnique de Paris)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS