Vers des silicones cicatrisables et réparables
Les silicones sont des matériaux élastomères largement utilisés comme colles, mastics, moules, bio-implants, ou dans l’industrie cosmétique. Dans un article paru dans la revue Angewandte Chemie International Edition, des chimistes proposent de les rendre temporairement dynamiques pour les réparer in situ ou les recycler mécaniquement sans affecter leur stabilité thermique et mécanique.
Les silicones, formés de longues chaînes silicium-oxygène (∼∼∼-Si-O-Si-O-Si-O-∼∼∼) flexibles, sont des polymères inorganiques, le polydimethylsiloxane ou PDMS étant l’exemple plus courant. On les retrouve dans de nombreuses applications : mastics, colles, joints, additifs antimoussants, cosmétiques, matériel médical, moules, gaines isolantes de câbles électriques, graisses haute performance etc. La forte liaison Si-O leur confère une grande résistance thermique et une excellente tenue aux UV, tandis que la flexibilité de la chaîne en fait une classe de matériaux très utiles dont la consistance varie du liquide (huiles et lubrifiants) aux caoutchoucs, en passant par le gel. Dans de nombreuses applications où une résistance thermique et mécanique est attendue, ces matériaux sont vulcanisés, c’est-à-dire que les chaînes sont reliées entre elles de façon permanente pour former un réseau. Si le recyclage chimique de ces silicones vulcanisés devient maintenant possible par dépolymérisation complète afin de ré-initier un nouveau cycle de polymérisation puis de mise en forme des matériaux, une cicatrisation ou réparation in situ serait parfois suffisante.
Une manière particulièrement efficace et universelle de conférer des propriétés d’auto-réparation aux matériaux silicones est de catalyser les échanges de liaisons Si-O constitutives des chaînes polymères. Cependant, lorsque cette capacité d’auto-réparation est introduite de façon permanente dans le matériau dès sa conception, elle a tendance à en affaiblir les propriétés thermiques sur le long terme, notamment en favorisant la formation de composés cycliques volatils.
Pour pallier ce problème, des chimistes du laboratoire Catalyse, polymérisation, procédés et matériaux (CNRS/Ecole supérieure de chimie physique électronique de Lyon/ Université Claude Bernard Lyon 1) ont étudié la possibilité de conférer cette capacité d’auto-réparation in situ et de manière temporaire à des élastomères silicones modèles de PDMS. Ils ont pour cela étudié l’effet d’une superbase phosphazene, le P4-tBu. Sa présence permanente dans le réseau silicone engendre sa dépolymérisation progressive, voire une dé-vulcanisation totale si une quantité trop importante est ajoutée. Par contre, l’apporter en petites quantités bien contrôlées, par exemple en gonflant le matériau avec une solution, permet de rendre les liaisons Si-O-Si dynamiques. Dynamisme qui se traduit par une malléabilité du matériau qui peut dès lors recoller ou se réparer. Les chimistes ont ensuite montré qu’un simple chauffage au-dessus de 130 °C permet de dégrader la superbase et retrouver les propriétés intrinsèques non-dynamiques du matériau initial. Ces résultats, parus dans la revue Angewandte Chemie International Edition, permettent d’entrevoir de nouvelles opportunités pour contrôler la cicatrisation ou le recyclage mécanique de ces matériaux élastomères.
Référence
Deciphering Siloxane Bond Exchanges: from a Molecular Study to vitrimerization and recycling of Silicone Elastomers.
Douriya Z. Khedaioui, Camille Tribout, Julie Bratasanu, Franck D’Agosto, Christophe Boisson & Damien Montarnal, Angewandte Chemie International Edition 2023.
https://doi.org/10.1002/anie.202300225