L’ormeau livre ses secrets sur l’origine de sa coquille
Jusqu’à maintenant, toutes les études laissaient penser que les systèmes minéraux constituant la coquille des invertébrés et le squelette des vertébrés avaient une origine différente. En caractérisant plus finement les premières étapes de construction de la coquille larvaire de l'ormeau européen Haliotis tuberculata, les scientifiques du Laboratoire de chimie de la matière condensée de Paris (CNRS/Sorbonne Université) et du Muséum National d’Histoire Naturelle (Université-Paris Saclay, Université de Strasbourg, Université de Bourgogne - Franche-Comté)* ont retrouvé des éléments similaires à ceux présents dans les structures osseuses, apportant ainsi la preuve d’une origine probablement commune à ces deux phases minérales.
Le squelette (ou la coquille) de très nombreux animaux pluricellulaires est un matériau composite où la phase minérale est principalement composée de carbonates et de phosphates. Il est généralement admis que les carbonates, particulièrement abondants chez les invertébrés protostomiens (coquille des mollusques, carapace des crustacés) sont associés à la chitine, polymère saccharidique, alors que les phosphates, surtout présent dans le squelette des vertébrés, sont liés à une protéine, le collagène. La nature différente de ces polymères traduirait une divergence ancienne de l’origine de ces deux types de systèmes minéraux.
En étudiant les premières étapes de formation de la coquille larvaire de l'ormeau européen Haliotis tuberculata, les scientifiques du Laboratoire de chimie de la matière condensée de Paris (CNRS/Sorbonne Université) et du Muséum National d’Histoire Naturelle (Université-Paris Saclay, Université de Strasbourg, Université de Bourgogne - Franche-Comté)* révèlent pour la première fois la présence de phosphate de calcium amorphe, similaire à celui que l’on retrouve dans la structure du minéral osseux des vertébrés. Leurs résultats montrent également que cette phase phosphatée amorphe est essentielle aux premières étapes de la construction de la coquille larvaire, ce qui souligne une fois de plus l’importance du rôle des protéines minéralisantes, dans la sélection et la maturation des précurseurs minéraux des coquilles des invertébrés.
Ce travail, qui montre qu'une origine commune est envisageable dans l'arbre phylogénétique des métazoaires, permet également de mieux comprendre la stabilité de ces biominéraux amorphes, sources d'inspiration pour la synthèse de matériaux biomimétiques de forme complexe. A retrouver dans le revue Nature Communications.
(*) Collaboration qui réunit physiciens, biologistes et chimistes du Laboratoire de biologie des organismes et écosystèmes aquatiques (BOREA), de la Station marine de Concarneau, du Laboratoire de physique des solides (LPS), le Laboratoire de RMN et biophysique des membranes et le Laboratoire Biogéosciences.
Rédacteur : CCdM
Référence
Widad Ajili, Camila B. Tovani, Justine Fouassier, Marta de Frutos, Guillaume Pierre Laurent, Philippe Bertani, Chakib Djediat, Frédéric Marin, Stéphanie Auzoux-Bordenave, Thierry Azaïs & Nadine Nassif
Inorganic phosphate in growing calcium carbonate abalone shell suggests a shared mineral ancestral precursor
Nature Communications 2022