Vers des capteurs miniaturisés de la chiralité qui fonctionnent à la lumière polarisée
Des scientifiques du LCH (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon) et de l’ILM (CNRS/Université Claude Bernard Lyon) ont récemment proposé d’utiliser la lumière polarisée circulairement comme vecteur d'information pour fabriquer des capteurs de chiralité miniaturisés. Cette étroite collaboration entre chimistes et physiciens a permis la fabrication de nouveaux circuits optiques intégrés qui conservent la polarisation circulaire de la lumière qui les traverse. Ces résultats sont parus dans la revue Advances in Photonics research.
Un objet est dit chiral si son image dans un miroir plan ne coïncide pas avec lui-même. De nombreuses molécules biologiquement actives sont chirales, c’est-à-dire qu’elles peuvent prendre deux formes images l’une de l’autre dans un miroir et que l’on appelle énantiomère gauche et droit. En conséquence, les interactions biologiques sont souvent énantiosélectives: les formes gauche et droite d’une même molécule pouvant avoir des effets très différents, l’une agir comme un médicament et l’autre comme un poison. Détecter la chiralité - différencier les molécules chirales gauches des droites - à l’aide de capteurs miniatures adaptables à différents milieux est donc un enjeu majeur dans des domaines comme les industries agroalimentaire et pharmaceutique ou l'environnement.
L’optique intégrée, qui consiste à manipuler la lumière au lieu des électrons au sein de “puces optiques” miniaturisées, a connu des avancées significatives. De nos jours, plusieurs milliers de fonctions optiques peuvent être rassemblées sur quelques cm2 par des techniques de mise en forme issues des technologies de la micro-électronique. Cependant, la symétrie planaire des puces optiques impose un dichroïsme linéaire et empêche l’utilisation d’ondes polarisées circulairement en optique intégrée. Il a fallu associer les compétences de chimistes du Laboratoire de chimie (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon) et de physiciens de l’Institut lumière matière (CNRS/ Université Claude Bernard Lyon) pour proposer la première approche expérimentale libérant l’optique intégrée de cette limitation.
Dans un premier temps, le développement d’une matrice sol gel incorporant des molécules chirales a permis d’introduire une biréfringence circulaire* élevée dans un matériau transparent. Des guides d’ondes canaux ont ensuite été fabriqués à partir de ce matériau chiral avec des dimensions optimisées pour conserver cette activité optique. En combinant la forte biréfringence circulaire du matériau avec la biréfringence de forme modulée des guides d'ondes canaux, les scientifiques ont pu observer pour la première fois des ondes à polarisations quasi-circulaires se propager dans des guides canaux sans modification. Cette première démonstration ouvre la voie à la création de circuits optiques intégrés compacts et robustes exploitant la polarisation circulaire dans des applications en lien avec la chiralité, comme la fabrication de capteurs de chiralité pour la pharmacologie, la médecine, l’industrie agroalimentaire ou encore la mesure de la pollution environnementale.
*La biréfringence circulaire est la propriété qu'ont certains milieux optiquement actifs de faire tourner le vecteur polarisation d'un faisceau lumineux les traversant.
Référence
Elliptical Birefringent Rib-Channel Chirowaveguides for Quasicircularly Polarized Light Applications in Integrated Photonics
Hoshang Sahib, Alban Gassenq, Amina Bensalah-Ledoux, Bruno Baguenard, Laure Guy et Stephan Guy, Advances in Photonics Research 7 mars 2022