De nouvelles molécules torsadées à chiralité commutable
Des chercheurs de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR, CNRS/ENSCR/Université Rennes 1) ont mis au point une première molécule torsadée dont ils peuvent modifier, de façon réversible et répétée, le sens d’enroulement. Ces travaux, publiés dans Angewandte Chemie International Edition, ouvrent de nombreuses perspectives : les deux dispositions de cette molécule pourraient à leur tour contrôler la chiralité d’autres molécules en interagissant avec elles. Un nouvel outil pour contrôler la chiralité dès la synthèse ?
Telles nos mains, les molécules chirales existent sous deux formes, appelées énantiomères, qui partagent une même formule chimique mais dont les structures sont des images l’une de l’autre dans un miroir et non superposables. La chiralité est une notion chimique essentielle, car deux énantiomères peuvent présenter des propriétés complètement différentes dans un environnement chiral malgré leur apparente similitude. Un grand nombre de réactions chimiques produisent un mélange des deux énantiomères. Pour favoriser une forme plutôt que l’autre, les chimistes ont besoin d’entités stéréogènes, c’est-à-dire capables d’orienter la production en faveur d’une seule des deux structures de la molécule chirale. Ces molécules stéréogènes sont généralement elles-mêmes chirales. Il serait encore plus intéressant de disposer de composés stéréogènes commutables, dont on peut contrôler quel énantiomère ils avantagent. Des chercheurs de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (ISCR, CNRS/ENSCR/Université Rennes 1) ont réalisé une nouvelle avancée dans ce domaine en créant une molécule en anneau de Möbius, dont l’enroulement peut à souhait changer de sens et de pouvoir stéréogène.
La molécule en anneau de Möbius incorpore une vrille de 180° et présente ainsi une chiralité topologique selon son sens d’enroulement. La molécule est composée d’un macrocycle formant un squelette flexible, sur lequel a été greffé un bras coordinnant pouvant se déplacer le long de l’anneau. Le bras comporte un motif chiral qui va transmettre sa déformation préférentielle à l’anneau en fonction d’un stimulus, qui est ici la présence de zinc associé à un ligand exogène. Quand ce ligand est retiré, la molécule et son bras reprennent leur forme et leur chiralité originelles et le procédé peut être reproduit plusieurs fois. Les chercheurs comptent introduire des fonctions supplémentaires afin d’exploiter cette chiralité topologique commutable.
Rédacteur : CCdM
Référence
Ruffin H., Fihey A., Boitrel B. & Le Gac S.
Möbius Zn(II)-Hexaphyrins Bearing a Chiral Coordinating Arm: A Chiroptical Switch Featuring P/M Twist Inversion Controlled by Achiral Effectors
Angew. Chem. Int. Ed. 2021