Cancer : modéliser l’organisation supramoléculaire de pro-médicaments pour un meilleur criblage
L’encapsulation de principes actifs dans des nanoparticules permet un traitement mieux ciblé. Cependant, ces principes actifs s’échappent toujours en quantité non négligeable avant leur arrivée à la cible. En liant le médicament à un polymère, on parvient à mieux contrôler sa libération évitant ainsi son relargage précoce. Dans ce contexte, des scientifiques sont parvenus pour la première fois, grâce à des méthodes de simulation, à décrire l’organisation supramoléculaire de ces prodrogues au sein des nanoparticules pour une meilleure prédiction thérapeutique, notamment en oncologie.
Les nanoparticules de polymère permettent d’améliorer le transport des médicaments jusque dans les tissus malades et donc l’efficacité du traitement, notamment dans le cas du cancer. Cependant, lorsque le médicament est simplement encapsulé dans les nanoparticules, une quantité non-négligeable peut s’en extraire rapidement et prématurément, diminuant ainsi l’efficacité thérapeutique et augmentant les effets secondaires. Pour contourner cette limitation, on réalise des liaisons covalentes entre le médicament et le polymère, formant ainsi ce que l’on nomme une prodrogue(*) polymère. Le médicament est alors libéré de manière contrôlée par coupure de sa liaison covalente avec le polymère, évitant ainsi son relargage précoce. Cependant, le développement de tels systèmes repose encore essentiellement sur des approches méthodologiques de type « essai-erreur », où de nouvelles structures chimiques sont synthétisées, testées in vitro et in vivo, puis modifiées et testées à nouveau. Malheureusement, cette stratégie est extrêmement chronophage, coûteuse, et peu efficace.
Afin de concevoir plus efficacement des nanoparticules en oncologie via une meilleure prédiction de la libération du médicament, des chercheurs de l’Institut Galien Paris-Saclay et de BioCIS (CNRS/Université Paris-Saclay) sont parvenus à élucider avec précision l’organisation supramoléculaire de nanoparticules de prodrogues polymères anticancéreuses. En utilisant une méthode de modélisation moléculaire de type « gros grain »(**) parfaitement adaptée aux simulations de l’auto-assemblage de macromolécules, ils ont pu proposer une description quasi-atomique des nanoparticules et déterminer précisément la localisation des diverses composantes des prodrogues en leur sein (e.g., médicament, polymère, liaison médicament-polymère), données très difficiles à obtenir expérimentalement. Cette meilleure compréhension de ces systèmes est une étape incontournable si l’on veut optimiser le relargage du principe actif via le contrôle de la structure chimique de la prodrogue.
Plus généralement, cette approche de modélisation « gros grain » pourrait être utilisée pour anticiper l’efficacité thérapeutique de n’importe quelle nanoparticule polymère dédiée à la nanomédecine.
(*) Une prodrogue est un médicament qui, après administration, est converti par l’organisme en médicament pharmacologiquement actif.
(**) Une modélisation "gros grain" décrit une molécule avec des particules représentant 3 ou 4 atomes lourds au lieu de tous ses atomes, ce qui permet de réduire considérablement les temps de simulation.
Référence
Ping Gao, Julien Nicolas & Tâp Ha-Duong
Supramolecular Organization of Polymer Prodrug Nanoparticles Revealed by Coarse-Grained Simulations
J. Am. Chem. Soc. (2021)