Hommage à Edmond Payen: une vision singulière entre le monde universitaire et industriel
Nous avons appris avec tristesse la disparition d'Edmond Payen, l'INC souhaite lui rende hommage
Edmond Payen est né en 1948 à Jenlain, un petit village du nord de la France réputé pour sa bière. Son doctorat, soutenu en 1975 à l'Université de Lille Sciences et Techniques, portait sur la synthèse, les études spectroscopiques Raman et infrarouge, des acides halogénophosphoriques et des halogénures pyrophosphoriques. En 1983, il obtient son doctorat d’état en sciences physiques («Habilitation»), qui traitait de la caractérisation de catalyseurs d'hydrotraitement par spectroscopie Raman.
Son expérience de la recherche académique débute en 1971 au Laboratoire de spectrochimie infrarouge et Raman (LASIR) où il prépare son doctorat. Il obtient ensuite un poste de chercheur temporaire, période pendant laquelle il développe des dispositifs spectroscopiques Raman anti-Stokes cohérents (CARS) pour étudier les solutions liquides diluées. En 1977, il obtient un poste de professeur assistant dans le cadre d'un projet collaboratif conjoint entre le LASIR et le Laboratoire de catalyse homogène et hétérogène de Lille, qu'il rejoint définitivement en 1987. Il devient alors un pionnier dans la caractérisation in situ de matériaux oxydés et sulfurés utilisés comme catalyseurs d'hydrotraitement (HDT). Spectroscopie Raman et catalyse d'hydrotraitement sont alors les mots clés de ses activités de recherche. Mots auxquels on pourrait rajouter Molybdène, l’élément probablement le plus largement utilisé en catalyse hétérogène et les applications catalytiques oxydatives.
De 1987 à 1990, Edmond mène ses recherches à l'Institut français du pétrole de Rueil-Malmaison où il développe des applications en catalyse de la spectroscopie ELNES (Electron Energy Loss Near Edge Share Spectroscopy). Il s’implique également dans l'utilisation de la diffusion inélastique des neutrons (INS) et de la diffusion des neutrons compton (eVS) pour la caractérisation de catalyseurs hétérogènes. De plus, il n’hésite pas à utiliser de grandes installations synchrotron pour mener des études in situ par EXAFS (X-ray Absorption Fine Structure), XANES (X-Ray Absorption Near-Edge Structure) et diffusion anormale des rayons X.
Edmond Payen comprend très vite qu’il est indispensable de caractériser in-situ un catalyseur en conditions de travail pour bien comprendre son comportement et pouvoir améliorer ses propriétés. Dans la seconde partie de sa carrière professionnelle, il introduit et développe donc de nouveaux outils spectroscopiques, dont la spectroscopie Raman, pour étudier les réponses spectrales des matériaux catalytiques en conditions de travail. Dès l'introduction de ces nouveaux développements, les scientifiques ont pu bénéficier d’une visualisation plus précise des sites actifs en conditions operando ou in-situ, avec à la clé plus d'informations sur les mécanismes de réactions catalytiques malgré leur complexité. Passionné et convaincu, il a été l'initiateur d'un projet de recherche français (ANR SAXO), qui est à l'origine du programme Equipex ROCK, ligne de lumière du synchrotron SOLEIL (situé à Saint-Aubin, France) dédié à la caractérisation de batteries et des catalyseurs par spectroscopie d’absorption.
La reconnaissance internationale dans le domaine de la spectroscopie appliquée à la catalyse se traduit par plus de 200 publications scientifiques. Cette reconnaissance l’a naturellement mené à créer, en 2006, l'Unité de catalyse et de chimie du solide (CNRS/Université de Lille) en fusionnant le Laboratoire de catalyse de Lille et le Laboratoire de cristallochimie et physicochimie du solide ». Il crée ainsi la plus grande unité de recherche en chimie du nord de la France, qu’il dirige jusqu’en 2009, et à laquelle il donne une renommée internationale.