Encapsulation et émulsions stables grâce à des membranes autoassemblées de polymères
Les émulsions d’huile dans l’eau ou vice-versa sont des formulations très courantes de l’industrie cosmétique, pharmaceutique et agro-alimentaire. La stabilité des gouttelettes d’un liquide dans l’autre est un aspect essentiel de ces formulations à deux phases. Des chercheuses et chercheurs du SIMM et de Gulliver à l’ESPCI Paris (ESPCI/CNRS) et du LOMA (CNRS/Université de Bordeaux) ont exploré la croissance spontanée de membranes obtenues par autoassemblage de chaînes de polymères pour stabiliser les interfaces eau-huile. Les membranes obtenues sont biocompatibles, exceptionnellement stables dans le temps et facilement modulables. Ces résultats, parus dans la revue ACS Macro Letters, ouvrent de nombreuses possibilités de dispersion contrôlée, relargage, encapsulation dans les milieux liquides, y compris biologiques.
Lorsque deux liquides sont non-miscibles, disperser l’un dans l’autre nécessite de l’énergie pour vaincre la tendance naturelle des systèmes à minimiser leurs contacts. Si l’agitation est une solution transitoire, la stabilisation d’une dispersion fine ne peut s’obtenir qu’à l’aide d’un agent de surface, appelé tensioactif, qui se localise préférentiellement aux interfaces où il forme une membrane moléculaire qui stabilise des gouttelettes du liquide minoritaire. Si le savon est sans doute le tensioactif par excellence connu de tous, ces agents d’interface sont omniprésents dans les formulations cosmétiques où l’on cherche à associer molécules hydrophiles et lipophiles dans un même milieu. L’encapsulation d’un liquide dans des membranes de surfactants est aussi très recherchée pour l’industrie agroalimentaire ou pharmaceutique, notamment dans les vaccins. De nombreux scientifiques s’intéressent donc à la stabilité des membranes de surfactants. Une solution très prometteuse est l’autoassemblage de deux types de chaînes de polymères solubles, l’un en phase aqueuse, l’autre dans l’huile, et qui peuvent se lier entre eux par des interactions électrostatiques ou des liaisons hydrogène.
Récemment, des chercheurs des laboratoire des Sciences et ingénierie de la matière molle et Gulliver (CNRS/ESPCI Paris) et du Laboratoire onde et matière d’Aquitaine (CNRS/Université de Bordeaux) ont démontré la formation de membranes extrêmement stables aux interfaces eau-huile par autoassemblage de chaînes de poly(acide méthacrylique) (PMAA, hydrosoluble) et poly(propylène oxyde) (PPO, liposoluble), deux polymères biocompatibles. Lorsque les deux liquides contenant, pour l’un, des chaînes de PMAA, et pour l’autre, de PPO, sont mis en contact, les chaînes de polymère diffusent spontanément à l’interface pour y former, d’abord, une couche moléculaire, puis, progressivement, une membrane de plusieurs microns d’épaisseur, sorte de réseau de chaînes de polymères enchevêtrées et liées entre par des liaisons hydrogène. Cette membrane très solide se reforme instantanément si elle est rompue et est modulable voire dissociable en jouant sur le pH, la longueur des chaînes ou la température. Ces résultats et la meilleure compréhension des mécanismes de complexation interfaciale qui en découlent sont à retrouver dans la revue ACS Macro Letters.