Redouane Borsali primé au Japon pour ses copolymères biosourcés
Pour miniaturiser les systèmes électroniques, Redouane Borsali utilise des matériaux surprenants : les films nano-organisés en sucres. Pour ses nombreux travaux dans le domaine, le directeur de l’Institut Carnot PolyNat et directeur de recherche au Centre de recherches sur les macromolécules végétales (CERMAV, CNRS), a obtenu le Prix international de la société des sciences des polymères du Japon (SPSJ). Un pays avec lequel Redouane Borsali a tissé des liens au fil de ses publications sur les copolymères biosourcés, issus du recyclage de la cellulose.
Quel a été votre parcours de chercheur ?
Après une thèse en physique des polymères à l’Institut Charles Sadron (ICS, CNRS) de Strasbourg, j’ai beaucoup bougé ; à l’institut Max Planck de Mayence, au Centre de recherches sur les macromolécules végétales (CERMAV, CNRS) à Grenoble, à l’université de Stanford puis au sein de l’entreprise IBM, en Californie. Je suis ensuite revenu en France, au Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO, CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et, en 2007, j’ai pris la direction du Centre de recherches sur les macromolécules végétales (CERMAV, CNRS) et depuis sa création en 2011 de l’Institut Carnot PolyNat. J’ai aussi coordonné pendant quatre ans le projet européen GreeNanoFilms.
Je travaille depuis le début de ma carrière sur les polymères, et en particulier sur l’autoassemblage des copolymères : des chaînes composées de deux molécules différentes. J’ai surtout publié sur ceux à base de sucres, des dérivés biodégradables de polysaccharides obtenus en recyclant de la biomasse. Leurs performances dépassent en plus celles des copolymères issus du pétrole.
Quelles sont les applications des copolymères à base de sucres ?
Ces dix dernières années, nous avons fait d’énormes progrès avec mon équipe sur les films minces nano-organisés. Ils servent de masques, ou templates, en microélectronique : ils couvrent ou laissent exposées les parties à imprimer des composants. On peut ainsi miniaturiser tous les dispositifs électroniques imaginables, comme des puces, des transistors, des LED ou des éléments de mémoire, avec une résolution de 5 nanomètres. Les dérivés de pétrole, comme le polystyrène, ne permettent que d’aller jusqu’à 15 nanomètres.
Et contrairement aux dérivés de pétroles, très hydrophobes, les sucres absorbent toujours un peu d’eau, ce qui facilite certaines étapes de préparation. Grâce aux micro-ondes, mon équipe obtient en quelques secondes des films hautement nanostructurés qui demanderaient sinon plusieurs heures. Nous travaillons également à des systèmes autoorganisés colorés, dans tout le spectre de la lumière visible, pouvant servir aux filigranes des billets de banque ou pour la cryptographie.
Quelle a été votre réaction à l’annonce du prix international de la société des sciences des polymères du Japon (SPSJ) ?
Je suis très heureux d’avoir reçu cette récompense où la concurrence est rude. Seuls des chercheurs japonais peuvent déposer les candidatures des étrangers, et ce sont souvent des Américains qui l’emportent. Ça me fait chaud au cœur d’avoir obtenu ce prix dès ma première nomination, surtout dans un pays où l’étude des polymères est très développée. Chaque congrès de la SPJS attire en effet plusieurs milliers de chercheurs.
Avez-vous d’autres implications à l’international ?
J’ai déjà reçu le prix des Étoiles de l’Europe et celui de la fondation scientifique France-Taïwan de l’Académie des sciences. Je collabore de longue date avec le Brésil, mais je travaille principalement ces dernières années avec le Japon et Taiwan. Depuis une quinzaine d’années, j’ai été professeur invité aux universités de Tokyo, Sapporo, Yamagata et Kanazawa. J’ai aussi publié une cinquantaine d’articles avec des chercheurs locaux ai coorganisé plusieurs congrès Franco-Japonais en France et au Japon. J’aime également beaucoup former les jeunes, et de nombreux stagiaires japonais (mais aussi brésiliens et taiwanais) accueillis au CERMAV ont à présent des postes importants dans l’industrie ou à l’université.