La dissolution des sels dans l’eau supercritique pour le recyclage des matériaux
À des conditions de température et de pression élevées, l’eau entre dans des conditions dites supercritiques, qui modifient certaines de ses propriétés. Les huiles y sont solubles, mais plus les sels. Afin de pouvoir tout y solubiliser pour les faire interagir, des chercheurs de l’ICMCB (CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et de l’I2M (CNRS/Université de Bordeaux/Arts et Métiers ParisTech/Bordeaux INP/INRAE) utilisent des sels fondus pour dissoudre les autres sels dans l’eau supercritique. Décrite dans la revue Science Advances, leur méthode devrait trouver des applications dans les domaines de la synthèse et du recyclage de nombreux matériaux.
En pressurisant et en chauffant en même temps un fluide au-delà de ses valeurs critiques, celui-ci devient par définition supercritique. Après 374 degrés et 221 bars, l’eau supercritique présente des propriétés étonnantes : les huiles y sont solubles, mais pas les sels, qui précipitent. La solubilité des huiles et des molécules organiques, quasi nulle dans l’eau normale, est importante pour différentes applications, comme le traitement de l’eau, le recyclage de certains matériaux comme les fibres de carbone des matériaux composites, ou encore pour la conversion de la biomasse. L’insolubilité des sels, qui précipitent et forment des dépôts, est au contraire vue comme un inconvénient. En effet, certaines réactions chimiques ne peuvent plus avoir lieu et le précipité solide peut obstruer le procédé. C'est le cas, par exemple, du procédé de traitement de déchets aqueux par oxydation hydrothermale supercritique (SCWO). Des chercheurs de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB, CNRS/Université de Bordeaux/Bordeaux INP) et de l’Institut de mécanique et d’ingénierie de Bordeaux (I2M, CNRS/Université de Bordeaux/Arts et Métiers ParisTech/Bordeaux INP/INRAE) ont résolu cette problématique, vieille de plus de trente ans, grâce aux Hydrothermal molten salts (HyMoS) : des sels fondus en milieu hydrothermal.
Leur système passe par un premier sel, choisi pour sa température de fusion inférieure à celle de la température critique de l’eau. Le sel précipite une fois qu’il y est injecté, mais fond aussitôt. Il est alors capable de dissoudre d’autres sels, comme le chlorure de sodium et le sulfate de sodium, qui deviennent ainsi solubles dans le HyMoS. Cela ouvre la porte à tout un pan de la chimie, jusqu’ici inapplicable dans l’eau supercritique. Les chercheurs explorent à présent des pistes liées à la synthèse et au recyclage des matériaux, à la chimie verte ou encore à la catalyse.
Référence :
T. Voisin, A. Erriguible, C. Aymonier. Hydrothermal Molten Salts (HyMos): a new solvent. Science Advances, 2020, 6, eaaz7770.