Une nouvelle cible pour réduire la résistance aux antibiotiques

Résultats scientifiques

De plus en plus de bactéries développent des résistances aux antibiotiques comme la pénicilline ou la ceftriaxone, par exemple en sécrétant des molécules inhibitrices telles que les β-lactamases. Des chercheurs du CNRS, de l’INSERM et de l’université de Bordeaux montrent qu’en associant de la ceftriaxone à un oligonucléotide qui perturbe ces mécanismes de résistance, ils parviennent à détruire des souches bactériennes pourtant résistantes au médicament en question. Publiés dans Nature Scientific Reports, ces travaux offrent une nouvelle piste pour conserver l’efficacité de nos médicaments.

Face au risque de ne plus pouvoir traiter les infections, la résistance des bactéries aux antibiotiques est devenue un problème majeur de santé publique. Les micro-organismes se protègent des médicaments de différentes façons, comme l’acquisition de gènes codant des enzymes qui dégradent et rendent les antibiotiques inefficaces. Certains microbes, comme les Escherichia coli, produisent ainsi des β-lactamases, capables d’inhiber les β-lactamines, qui sont les antibiotiques que l’on retrouve dans la pénicilline et la ceftriaxone, cette dernière étant membre de la famille très prescrite des céphalosporines. Des chercheurs du laboratoire Acides nucléiques : régulations naturelles et artificielles (ARNA, CNRS/INSERM/Université de Bordeaux) et du laboratoire Microbiologie fondamentale et pathogénicité (MFP, CNRS/Université de Bordeaux) sont parvenus à contrer cette forme de résistance, en associant la ceftriaxone à un oligonucléotide.

Courts segments d’ADN ou d’ARN, les oligonucléotides peuvent en effet modifier le fonctionnement des cellules. L’oligonucléotide breveté cible l’ARN messager codant pour la β-lactamase, ce qui a pour effet d’inhiber sa synthèse par les bactéries. Pour atteindre cet objectif, les chercheurs ont modifié chimiquement les oligonucleotides avec des lipides et des groupements phosphorothioates (anions composés de phosphore, de soufre et d’oxygène). L’équipe a montré que les β-lactamases sont moins actives et que l’association de la ceftriaxone avec ces oligonucléotides détruit bien les organismes pathogènes, y compris les souches résistantes aux céphalosporines. Les chercheurs comptent pousser leurs investigations pour observer directement la disparition des β-lactamases, et tenter d’étendre leur technique à d’autres antibiotiques et pathogènes résistants, voire contre certains cancers ou des douleurs chroniques.

À gauche, autoassemblage de l’oligonucléotide, dont la molécule isolée est présentée à droite. © Philippe Barthélémy

Référence :

Tina Kauss, Corinne Arpin, Léa Bientz, Phouc Vinh Nguyen, Brune Vialet, Sebastien Benizri & Philippe Barthélémy. Lipid oligonucleotides as a new strategy for tackling the antibiotic resistance. Nature, Scientific Reports. 2020.

https://doi.org/10.1038/s41598-020-58047-x

Contact

Philippe Barthélémy
Acides nucléiques : Régulations Naturelles et Artificielles (ARNA)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS