Un nouveau modèle pour les interactions entre l’oxyde de graphène et l’eau
Alors que les feuillets d’oxyde de graphène constituent des membranes très prometteuses pour filtrer l’eau, le comportement précis de l’eau au contact du matériau reste méconnu. À l’aide d’un supercalculateur, des chercheurs des laboratoires PASTEUR (CNRS-ENS Paris-Sorbonne université) et de l’IRCP (CNRS-Chimie ParisTech) / université PSL, ont conçu un nouveau modèle de ces interactions, montrant la formation de grappes de fonctions oxygénées le long des lames d’oxyde de graphène. Publiés dans Nature Communications, ces travaux expliquent comment les feuillets de graphène s’organisent et devraient donc aider à une meilleure filtration de l’eau.
Matériau à deux dimensions synthétisé à faible coût, l’oxyde de graphène est composé de feuillets formant des membranes, qui montrent des propriétés inégalées pour purifier ou dessaler l’eau. La nature des interactions chimiques entre l’oxyde de graphène et l’eau liquide reste néanmoins mal comprise, car l’oxyde de graphène comprend plusieurs types de fonctions oxygénées qui se répartissent irrégulièrement le long de ses feuillets. Or ce sont ces fonctions qui peuvent réagir avec l’eau. À l’aide d’une méthode de dynamique moléculaire qui prend en compte les phénomènes quantiques à l’échelle des électrons, des chercheurs du laboratoire Processus d’activation sélectif par transfert d’énergie uni-électronique ou radiatif (PASTEUR, CNRS/ENS Paris/Sorbonne université) et de l’Institut de recherche de chimie Paris (IRCP, CNRS/Chimie ParisTech) ont proposé une modélisation totalement nouvelle de l’oxyde de graphène et de son interaction avec l’eau.
Alors que les modèles précédents considéraient l’oxyde de graphène comme un matériau inerte, où l’eau ne ferait que glisser entre les feuillets lors de la filtration, les chercheurs ont ici exploré de multiples modèles atomistiques de l’oxyde de graphène au contact de l’eau. Un processus long et coûteux à simuler, rendu possible par l’aide du Grand équipement national de calcul intensif du CNRS (GENCI). Ces travaux ont montré que les groupes fonctionnels oxygénés (hydroxyle et époxydes) se rassemblent préférentiellement en zones riches en oxygène et laissant à découvert des zones de graphène pur. Ces grappes peuvent perdre des protons sous l’action de l’eau et ainsi acquérir une charge électrique : la répulsion entre les feuillets chargés négativement assure la stabilité des feuillets, qui se maintiennent alors les uns les autres à une même distance. Les chercheurs comptent à présent tester l’impact d’autres liquides contenant de l’hydrogène, comme des alcools, pour voir si de nouvelles réactivités apparaissent, ainsi que de vérifier si les comportements changent si on modifie l’espace entre les feuillets.
Référence :
Félix Mouhat, François-Xavier Coudert & Marie-Laure Bocquet. Structure and chemistry of graphene oxide in liquid water from first principles. Nature Communications volume 11, article number: 1566. 2020. DOI