Hommage à Jean-Pierre Pascault
Jean-Pierre Pascault, professeur émérite à l’Institut national des sciences appliquées de Lyon, Commandeur de l’ordre des Palmes académiques, s’est éteint samedi 4 avril 2020. C’est à son établissement qu’il a consacré une grande partie de sa vie en contribuant à la qualité reconnue de la formation des ingénieurs INSA et en faisant de l’école un grand centre de recherche. L'Institut de chimie du CNRS souhaite lui rendre hommage en revenant sur ses contributions et sa carrière.
Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur chimiste en 1965, puis un doctorat ès science sur la polymérisation anionique, Jean-Pierre Pascault a rejoint l'INSA dès 1966 comme assistant, en 1972 comme maître-assistant et enfin comme professeur des universités en 1983. Il s'est investi sans compter pour faire de l’INSA Lyon ce qu'il est aujourd’hui. Fortement attaché à son établissement, il s’est toujours impliqué dans sa vie collective et son animation. Pour cela, il a été successivement membre élu de son conseil d’administration (1976-1980) et de son conseil scientifique (1982-1986). Attaché à la transmission des connaissances liées aux derniers développements de la science mais aussi aux préoccupations applicatives avec de forts liens avec l’industrie, il a construit une véritable école des polymères à Lyon. Pour lui, la recherche ne pouvait se dissocier de la formation, une orientation qui a marqué les départements ‘Matériaux’ successifs de l’INSA de Lyon et ses enseignements en DEA, Master, mais aussi la commission pédagogique du GFP (Groupement Français d’Etudes & d’Applications des Polymères, société savante dans le domaine des polymères) dont il a été le président de 2001 à 2004.
Jean-Pierre Pascault était un grand scientifique, passionné, rigoureux, inventif, peu attaché aux honneurs. Chercheur internationalement renommé, ses contributions sont significatives dans de nombreux champs de la science des polymères : chimie macromoléculaire, notamment celles des réseaux polymères, polymères dynamiques, design de morphologies à toutes échelles par la maîtrise de processus chimiques et thermodynamiques, mise en situation dans les procédés d’élaboration et mise en forme, utilisation de composés biosourcés, etc... Tous ses travaux fondamentaux n’ont jamais été guidés par la recherche d’une mise en lumière qui n’aurait pas été justifiée par de réelles avancées applicatives, en particulier transposables en milieu industriel. Avec plus de 350 publications, deux ouvrages de référence et près de 300 communications, il est ainsi auteur de 50 brevets.
Cette recherche, il a aimé la mener en particulier avec les 60 doctorants qu’il a encadrés et auxquels il a tant donné, les guidant dans leurs travaux avec une grande attention. Beaucoup d’entre eux ne sont pas uniquement d' anciens docteurs mais sont devenus ses amis. Il s’est aussi attaché tout au long de sa vie à construire l’environnement le plus favorable pour les chercheurs et avait envie de faire vivre la vie scientifique collective. Elu au Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) pour deux mandats (1980-1986 et 1990-1994) mais aussi au Conseil national des universités (CNU S33) de 2000 à 2003, il a porté avec une voix particulière, bienveillante, exigeante, la défense d’une conception de la Science au sein de laquelle chaque chercheur, avec ses approches et domaines particuliers, puisse trouver sa place et s’épanouir. C’est ainsi qu’il a très tôt, de 1982 à 1992, dirigé l’unité de recherche associée au CNRS, aujourd’hui l’UMR CNRS 5223 ‘Ingénierie des Matériaux Polymères’ et son antenne à l’INSA Lyon jusqu’en 1997.
Il a aussi créé la Fédération des polyméristes lyonnais (FR 2151) en 2000, structure à l'origine avec son centre commun de RMN, de la naissance de la FR Institut de chimie de Lyon. Aujourd’hui, l’unité IMP doit beaucoup à Jean-Pierre Pascault car il a contribué, de par son rayonnement scientifique - en attestent les nombreuses conférences et congrès auxquels il a été invité ou qu'il a organisés -, à construire un laboratoire internationalement reconnu, extrêmement visible sur le plan scientifique mais aussi sur son positionnement avec le milieu des entreprises. C’est l’identité même de l’unité qu’on lui doit, des recherches originales, une organisation spécifique, une proximité avec l’Industrie. Toute une manière de faire de la Recherche au sein d’un collectif fort et passionné !
Les entreprises, grands groupes mais aussi et surtout PME et PMI, ont aujourd’hui perdu un grand soutien et un grand collaborateur au sein de la communauté académique. Jean-Pierre Pascault était persuadé que résoudre des problématiques technologiques pouvait permettre de s’engager sur des questions scientifiques originales. Nombre d’entreprises ont travaillé avec lui sur de grands projets qui ont abouti à développer de nouveaux produits. C’est ainsi qu’il s’était fortement impliqué et était encore très récemment extrêmement actif auprès des pôles de compétitivité qui portent le tissu des entreprises de la plasturgie et des textiles techniques au sein de leurs conseils scientifiques, soucieux de défendre les projets que portaient ces derniers.
On ne saurait aussi parler de Jean-Pierre Pascault sans revenir sur les relations internationales qu’il a générées grâce à la renommée de ses travaux mais aussi sur sa propension à découvrir d’autres pratiques pour faire la Science et à nouer des liens avec d’autres chercheurs qui sont pour la plupart devenus des amis très proches. Ces liens forts et pérennes à travers les décennies, il a su les offrir aux plus jeunes chercheurs pour qu’eux aussi s’enrichissent d’autres cultures. Les nombreuses collaborations actuelles, certaines sous forme de réseaux reconnus et actifs ou d’implications dans des sociétés savantes internationales, notamment européennes, sont pour l’essentiel issues de son engagement. La communauté scientifique des polymères à travers l’Europe et plus largement dans le Monde, a perdu un chercheur apprécié de toutes et tous et un grand ami.