La géométrie moléculaire de solides organiques révélée par RMN

Résultats scientifiques

Les propriétés d’un matériau dépendent de sa structure. Cependant, la structure atomique ou moléculaire d’un solide reste très difficile à déterminer lorsque le matériau à analyser ne forme pas de cristaux de taille et qualité élevées, limitant ainsi la possibilité de développer de nouveaux matériaux pour des applications ciblées. Récemment, des chercheurs de l’Institut de Chimie Radicalaire de Marseille ont démontré que la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) en phase solide peut permettre d’obtenir de manière non invasive une information structurale difficilement accessible pour des matériaux organiques sous forme de poudre : la géométrie des molécules qui composent le solide.

La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) est un outil clé pour déterminer la structure chimique d’un composé. Elle permet d’obtenir des informations structurales, telles que le type de groupes fonctionnels et de liaisons chimiques entre les atomes, et ce, de manière non invasive. Dans les années 60, le Prix Nobel Martin Karplus révolutionne la RMN en découvrant l’existence d’une relation simple entre la valeur du couplage J entre deux atomes séparés par trois liaisons chimiques (3J), mesurable par RMN, et l’angle de torsion (ou dièdre) du fragment moléculaire correspondant. Cette découverte a démontré que la RMN est non seulement utile pour déterminer la formule semi-développée d’un composé, mais aussi pour déterminer sa structure tri-dimensionelle. Essentiellement de nature empirique, ces relations, connues depuis sous le nom d’équations de Karplus, ont été largement exploitées dans les quarante dernières années pour la détermination de la géométrie moléculaire dans des composés organiques en phase liquide, que ce soit des petites molécules ou des protéines, aidant à éclaircir les relations entre leur structure et leur activité.

Avoir accès à la structure 3D est d’autant plus important pour les solides moléculaires, car la géométrie des molécules qui composent le solide contribue à la définition des propriétés physico chimiques ainsi que de réactivité chimique du matériau et détermine ses applications d’un point de vue macroscopique. Cependant, à cause de la difficulté à observer et mesurer les couplages J en phase solide, aucune étude démontrant l’existence de relations de type Karplus pour l’analyse de composés solides avait été reportée dans la littérature, jusqu’à ce jour.

Dans une étude parue dans la revue Angewandte Chemie International Edition en Novembre dernier et affichée dans la quatrième de couverture, les chercheurs de l’Institut de Chimie Radicalaire de Marseille ont prouvé pour la première fois l’existence d’une relation de type Karplus pour des systèmes en phase solide.

L’existence d’une telle relation a été initialement révélée par de calculs ab initio, et ensuite validée expérimentalement par RMN du solide en analysant un ensemble de composés organiques solides constitués d’acides aminés, de sucres et de principes actifs de médicament. Cela a permis d’obtenir pour la première fois l’expression mathématique d’une fonction de type Karplus pour des matériaux : telle qu’un « goniomètre moléculaire », cette fonction constitue un outil simple pour déterminer des angles de torsion en phase solide par RMN, et accéder ainsi à la géométrie moléculaire des matériaux organiques avec une précision de 10°. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour l’utilisation de la RMN dans l’analyse de matériaux solides qui ne forment pas de cristaux de taille et qualité suffisamment élevées pour être analysés par diffraction des rayons X, et se positionne encore plus comme un outil indispensable en sciences des matériaux.

Références :

P. Thureau, I. Carvin, F. Ziarelli, S. Viel, G. Mollica* “A Karplus Equation for the Conformational Analysis of Organic Molecular Crystals” Angew. Chem. Int. Ed. 2019, 58, 16047-16051.

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Contact

Giulia MOLLICA
Institut de Chimie Radicalaire (ICR)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS