Pauline Poinot, des origines de la vie jusqu’à la médecine
Donnez-lui un spectromètre de masse, et aucune molécule ne lui échappe. Maître de conférences à l’IC2MP (CNRS/Université de Poitiers), Pauline Poinot débusque et identifie les plus infimes traces de matière organique. Grâce à son talent pour la chimie analytique et son goût pour la pluridisciplinarité, elle manipule aussi bien les biomarqueurs pour comprendre l’origine de la vie que pour améliorer le diagnostic médical.
Des nébuleuses spatiales aux centres cliniques, Pauline Poinot étudie les molécules organiques avec une extrême précision. Maître de conférences à l’université de Poitiers et membre de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP, CNRS/Université de Poitiers), cette chercheuse considère que sa fonction est de « penser la société de demain. Pour ça, il faut une vision transdisciplinaire qui intègre toutes les sciences. »
Signe de cet attachement à la pluridisciplinarité, Pauline Poinot a commencé son parcours de chimiste en fac de… biologie, avant de bifurquer vers une école d’ingénieurs en agroalimentaire pensant « qu’un diplôme d’ingénieur valorisable dans le monde entrepreneurial était la seule voie possible. Je me suis trompée. » En dernière année, elle profite d’un stage pour découvrir la vie en laboratoire. « Je me suis alors rendu compte que j’étais faite pour la recherche publique », se souvient Pauline Poinot, qui a donc embrayé sur un doctorat en chimie des arômes. Là encore, elle a jonglé avec plusieurs sciences : chimie analytique, biochimie, statistiques et même de la psychologie sensorielle.
Après un premier poste à Caen en chimie analytique, elle rejoint à Poitiers l’IC2MP où elle se diversifie dans le domaine de la biochimie moléculaire.
« Mes activités de recherche ont pour objectif de développer, puis de manipuler, des outils chimiques qui permettent d’étudier le vivant, ses origines comme son fonctionnement, quelles que soient les applications », explique Pauline Poinot.
En collaboration avec un collègue de chimie organique, cet esprit infatigable est alors parvenu à de surprenants résultats sur la détection précoce et le suivi de l’évolution des cancers par l’haleine. En effet, des tests sur des souris ont détourné l’activité de certains biomarqueurs des tumeurs pour transformer un métabolite biologique en une petite molécule volatile, qui passe des fluides corporels jusqu’au souffle où elle y est détectée. Ces sondes chimiques pourraient également aider au diagnostic et au pronostic des infections nosocomiales, en lien avec le problème de la résistance bactérienne.
Pauline Poinot met aussi ses compétences au service de l’astrophysique, en essayant de détecter dans des objets du Système solaire, ou leurs analogues, des molécules que l’on retrouve dans les organismes vivants. « Même si cela peut paraître éloigné, les outils sont les mêmes pour détecter des composés organiques à l’état d’ultra trace, que ce soit dans un système biologique ou une météorite », souligne la scientifique.
Elle explique d’ailleurs sa capacité à naviguer entre les sujets par sa créativité féminine, un atout qui ne serait pas suffisamment exploité. « Si les femmes sont impliquées dans la recherche scientifique en chimie, elles n’ont pas encore trouvé leur juste place », constate Pauline Poinot. Néanmoins, elle est aussi certaine que la complémentarité entre les genres est fondamentale pour penser au-delà du champ des possibles, comme elle le fait avec les disciplines.
« Je conseille aux jeunes étudiantes de dépasser leurs limites, insiste Pauline Poinot. Une femme peut devenir excellente dans n’importe quelle science. Pour preuve, Frances Arnold a reçu le prix Nobel de chimie en 2018.»
Martin Koppe