Un traitement d'urgence contre la contamination cutanée par un radionucléide

Innovation Vivant et santé

Une équipe de chercheurs de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et de l'Institut Galien Paris-Sud1 a mis au point une crème lavante qui, en piégeant les atomes d'uranium ou de plutonium, empêche leur diffusion à travers la peau. Ce premier traitement local d'urgence contre une contamination cutanée est commercialisé par le laboratoire pharmaceutique Cevidra.

Lors d'une contamination cutanée par des radionucléides, dans un laboratoire ou une installation nucléaire, la priorité est d'empêcher ces éléments de franchir la barrière de la peau, afin d'éviter leur passage dans le sang et la contamination d'autres organes. Jusqu'à présent, le seul traitement d'urgence, peu efficace, consistait à rincer la zone contaminée à l'eau savonneuse. Des chercheurs de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et de l'Institut Galien Paris Sud1 ont mis au point un traitement qui peut empêcher la diffusion à travers la peau de 95 % de l'uranium et du plutonium. Deux thèses, qui ont bénéficié d'un financement par la Direction générale de l'armement, ont abouti à la formulation d'une crème lavante de décontamination de la peau.

Les chercheurs sont partis d'une famille de molécules, les calixarènes, qui peuvent piéger des atomes d'actinides (uranium, plutonium...) grâce à leurs propriétés chimiques et à leur géométrie. Les calixarènes étaient déjà connus mais n'étaient utilisés que pour extraire et analyser des actinides dans des milieux biologiques ou dans l'environnement. « Pour utiliser des calixarènes en décontamination cutanée, tout le problème était de trouver la formulation -la forme galénique- qui permettrait de l'appliquer efficacement sur la peau », indique Elias Fattal, directeur de l'Institut Galien Paris Sud.

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La forme retenue pour le traitement cutanée est une nanoémulsion – des gouttelettes d'huile dans l'eau. En effet, les calixarènes sont des molécules solubles dans l'huile. En utilisant le calixarène carboxylique2, les chercheurs ont pu montrer que la molécule active se place à l'interface entre les gouttelettes d'huile et l'eau, avec les parties complexantes de la molécule dans la phase aqueuse. Les atomes d'uranium sont ainsi piégés à la surface des gouttelettes d'huile, trop volumineuses pour être absorbées par la peau. Deux thèses successives ont permis la mise au point du traitement. Elles ont démontré son efficacité : la diffusion de l'uranium dans la peau est réduite de 95 % quand la nanoémulsion est appliquée immédiatement (et conserve une efficacité à 71 % si l'application est retardée de 30 minutes). Les études ont aussi montré l'absence de toxicité ou d'effet inflammatoire de l'émulsion.

Sous la forme d'une crème lavante, le nouveau traitement cutané (un dispositif médical de classe 1) a obtenu l'autorisation de mise sur le marché de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et est commercialisé par le laboratoire pharmaceutique Cevidra. L'Institut Galien Paris Sud et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire devraient démarrer prochainement de nouveaux projets portant sur le traitement d'autres types d'expositions aux actinides, par blessure ou par inhalation.

 

1 Institut Galien Paris Sud (CNRS/Université Paris-Sud)

2 Calixarène carboxylique : 1,3,5-OCH3-2,4,6-OCH2COOH-p-tertbutylcalix[6]arène

Contact

Elias Fattal
Chercheur (IGPS UMR8612)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Sophie Félix
Chargée de communication
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC