Une nouvelle transition de phase verre-verre observée expérimentalement

Résultats scientifiques Matériaux

Les verres à basse température affichent toutes sortes de propriétés anormales. De très récents développements théoriques ont prédit l’existence d’une phase vitreuse marginale, la phase de Gardner, qui serait à l’origine de ces anomalies. Un duo de physiciens vient d’obtenir la première confirmation expérimentale de l’existence de cette phase dans un verre granulaire. Ces travaux ont été publiés dans la revue Physical Review Letters.

Quand un liquide se solidifie sans que nul ordre n’émerge, il forme un verre. Les molécules se déplacent de plus en plus lentement, jusqu’à être piégées dans un état étrange entre liquide et solide. De nombreuses structures désordonnées sont possibles suivant les conditions de formation du verre. On pourrait penser, qu’une fois le liquide piégé dans un verre particulier, ses propriétés de transport résultent, tout comme dans un cristal, des vibrations des particules autour de leurs positions moyennes, celles-ci définissant un réseau sous-jacent désordonné. Mais il n’en est rien. Les propriétés thermiques ou mécaniques anormales, observées dans ces verres, ne peuvent être expliquées par cette description.

Des travaux théoriques très récents ont montré que ces anomalies peuvent se comprendre comme la rémanence d’une nouvelle transition de phase - la transition de Gardner, qui distingue deux types de solides amorphes : le verre simple mécaniquement stable et le verre marginalement stable. Des simulations numériques en dimension finie ont confirmé l’existence de cette transition et montré qu’elle est associée à une organisation hétérogène des vibrations des particules au sein des cages formées par leurs voisines.

C’est en s’appuyant sur cette image de cages, que des physiciens des laboratoires Fluides, automatiques et systèmes thermiques (FAST, CNRS/ UPSud/Univ. Paris Saclay) et Gulliver (CNRS/ESPCI Paris) ont obtenu la première confirmation expérimentale de l’existence de la phase de Gardner dans un verre granulaire, réalisée au Service de physique de l’état condensé (SPEC, CNRS/CEA). Ce verre est reconnu comme un matériau vitreux modèle. Les chercheurs ont suivi les trajectoires individuelles des particules composant celui-ci au moment de la formation du verre. Dans un premier temps, par compression adiabatique, ils ont formé un verre granulaire au sein duquel chaque particule vibre dans une cage formée par ses voisines. Ensuite, ils ont démontré qu’il existe une densité au-delà de laquelle les cages se divisent en plusieurs « sous-cages » définies par les particules voisines avec lesquelles le nombre de collisions augmente. Ce seuil observé expérimentalement est une signature de la transition de phase de Gardner.

Ce résultat fondamental, majeur pour la compréhension et l’optimisation des propriétés des verres, devrait susciter une nouvelle lecture des propriétés anormales de certains verres, à la lumière de l’existence de cette nouvelle phase vitreuse.

Référence

Experimental Evidence of the Gardner Phase in a Granular Glass
A. Seguin et O. Dauchot
Physical Review Letters (2016), doi:10.1103/PhysRevLett.117.228001

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