Vers une économie circulaire des plastiques utilisés dans les équipements électroniques

Résultats scientifiques

Une équipe française a mis au point une méthode douce pour extraire les additifs toxiques des plastiques utilisés dans les équipements électriques et électroniques. Ce procédé innovant, qui combine dissolution sélective et extraction chimique, permet ensuite de recycler ces plastiques et ainsi traiter les montagnes de déchets électroniques. Un espoir concret pour mieux gérer le cycle de vie de ces matériaux, publié dans la revue ACS Sustainable Resource Management.

Ordinateurs, téléviseurs, appareils électroménagers : autant d’objets du quotidien qui, en fin de vie, deviennent une redoutable source de pollution. En cause ? En grande partie les plastiques utilisés qui sont enrichis en un duo problématique d’additifs : les retardateurs de flamme bromés et l’antimoine, un métal critique pour l'industrie. Ces additifs assurent la sécurité incendie mais empêchent le recyclage mécanique des déchets plastiques issus de l’électronique, les rendant toxiques et illégaux au-delà d’un certain seuil de brome.

Pour contourner cet écueil, des scientifiques de l’Institut de recherche de chimie de Paris (CNRS/Chimie ParisTech/PSL Université) ont exploré une nouvelle voie qui consiste à dissoudre les plastiques pour en libérer les additifs toxiques sans dégrader le matériau de base. Ils ont pour cela mis au point un protocole efficace qui part d’un mélange biphasique et combine la dissolution du plastique dans un solvant adapté et l’extraction simultanée de l'antimoine vers une solution aqueuse complexante (à base d’acide tartrique). Des simulations thermodynamiques et une étude de criblage ont permis d’optimiser le choix des solvants. À la clé : un taux de récupération de l'antimoine supérieur à 98 %, sans altération des chaînes de polymère de type ABS1 , l’un des plastiques les plus courants dans les équipements électroniques.

Au-delà de l'antimoine, la méthode permet aussi de retirer jusqu'à 98 % des composés bromés, ramenant leur concentration sous les seuils légaux. Le plastique ainsi traité peut ensuite être réutilisé dans l’industrie plutôt que d’être incinéré, une option parfois coûteuse et polluante. Le protocole mis au point se déroule à température ambiante, dans un mélange de solvant organique peu toxique et d’eau et est peu énergivore car il n'exige pas d'étapes lourdes comme la centrifugation. Il offre qui plus est une possibilité de récupérer l’antimoine, métal critique également nécessaire pour les panneaux photovoltaïques et les munitions.

Ce procédé simple et économique démontre comment la chimie permet d’entrevoir des solutions viables pour gérer la fin de vie de matériaux utilisés dans de très nombreux objets du quotidien. Prochaine étape : la conception d’un pilote pour préparer la montée en échelle du procédé et affiner encore davantage le choix des solvants grâce à des modèles prédictifs pour l’adapter à la gamme élargie des plastiques issus des déchets électroniques. Un pas de plus vers une économie circulaire vraiment durable à retrouver dans la revue ACS Sustainable Resource Management.

Rédacteur : AVR

  • 1L'ABS, ou acrylonitrile-butadiène-styrène, est un plastique technique solide, léger, résistant aux chocs et aux chaleurs modérées et facile à mouler en formes complexes.

Référence

Antimony Trioxide Extraction from E‑Waste Brominated Flame Retardant Laden Plastics by Simultaneous Liquid−Liquid Extraction and Leaching
Morvan Gaudin, Vincent Semetey, Frédéric Rousseau & Grégory Lefevre
ACS Sustainable Resource Management 2025
https://doi.org/10.1021/acssusresmgt.4c00466

Contact

Gregory Lefevre
Chercheur à l'Institut de recherche de chimie Paris (CNRS/Chimie ParisTech/PSL Université)
Communication CNRS Chimie