Vers un cacao zéro déchets
Un consortium de recherche franco-ghanéen développe un processus afin de transformer les cabosses du cacao en sucres d’intérêt industriel.
Une équipe de recherche franco-ghanéenne s’efforce de rendre la filière du cacao plus durable et plus rentable. Les chercheurs tentent, en effet, d’extraire des cabosses, le fruit qui contient les fèves de cacao, des molécules d’intérêt industriel. « Actuellement, les cabosses vides, une fois les fèves récupérées, sont considérées comme des déchets et s’accumulent dans les cacaoyères. Déchets qui agissent comme des incubateurs pour la bactérie de la pourriture brune, une maladie du cacao qui réduit de façon importante sa production » explique Prince Amaniampong, chercheur CNRS à l’Institut de chimie des milieux and matériaux de Poitiers (IC2MP). « Pour éviter cet amoncèlement de déchets, l’exploitation de cette matière organique en ressource durable est une solution. Nous avons donc mis en place un consortium de recherche entre la France et le Ghana. » Ce consortium implique l’IC2MP, l’Université du Ghana à Accra et l’Université des sciences et de la technologie Kwame Nkrumah, Ghana.
L’objectif des recherches est d’extraire de ces cabosses des sucres d’intérêt. Ceux-ci pourraient servir pour la synthèse de tensioactifs pour l’industrie cosmétique, d’agents sucrants pour les chocolatiers, ou encore, de biostimulants pour l’agriculture. Déjà, les analyses ont montré que les cabosses de cacao sont riches en composés rares comme l’acide galacturonique, qui pourraient trouver différents débouchés industriels. Ainsi, les chercheurs espèrent donner de la valeur ajoutée aux 10 millions de tonnes de cabosses générées annuellement au Ghana.
Le processus d’extraction des sucres commence en France. Les cabosses sont introduites dans un broyeur où elles subissent un premier traitement en milieu acide pour casser les liaisons entre les sucres. « Ce traitement est basé sur une technologie brevetée par le CNRS. On se place dans des conditions douces afin d’éviter la dégradation des sucres », explique François Jérôme, directeur de recherches à l’IC2MP et lauréat de la médaille de l’innovation en 2021.
Les chercheurs obtiennent ainsi un mélange de lignine, de polyphénols et de sucres dissouts en milieu aqueux. Ces sucres et les polyphénols peuvent déjà être valorisés, tandis que la lignine est renvoyée au Ghana, où elle subit un processus de pyrolyse. Ce chauffage en absence d’oxygène permet d’obtenir une biohuile riche en composés phénoliques qui pourrait intéresser l’industrie. Ceux-ci pourraient notamment servir à booster la croissance des plants de cacao.
« Ces recherches sont encore à un stade préliminaire », admet François Jérôme. Les chercheurs tentent, en effet, de rendre le processus moins énergivore et d’obtenir des réactions plus sélectives afin d’obtenir les composés à plus haute valeur ajoutée. « Le but, à terme, est de construire une unité pilote au Ghana capable de réaliser l’ensemble du traitement des cabosses de cacao ».