Valorisation du CO2 en méthanol : quelles espèces réactives mènent la danse ?

Résultats scientifiques

Des chimistes du CNRS sont parvenus à mettre en évidence les mécanismes réactionnels de la conversion catalytique du CO2 en méthanol. Cette étude, parue dans la revue Angewandte Chemie International Edition, ouvre des perspectives pour le développement de catalyseurs plus performants et moins coûteux pour valoriser ce gaz à effet de serre.

Le développement de technologies qui permettent de convertir le CO2 en produits chimiques à haute valeur ajoutée est un graal très recherché par les chimistes. Par exemple, son hydrogénation avec de l’hydrogène vert issu d'énergies renouvelables permet de convertir ce gaz à effet de serre en méthanol, combustible mais aussi brique élémentaire très utile à la chimie. Malgré le très grand nombre d’études sur les catalyseurs nécessaires à cette hydrogénation, les mécanismes réactionnels impliqués font débat depuis des décennies.

Le cuivre supporté sur zircone, noté Cu/ZrO2, est un catalyseur très prometteur avec une activité intrinsèque élevée. La zircone agit à la fois comme support pour disperser le cuivre et comme composant actif conduisant à une synergie catalytique avec le métal. Lors de la réduction du CO2 en méthanol, des espèces formiates (ion HCOO-) se forment à la surface du catalyseur, facilement observable par spectroscopie infra-rouge (IR). Leur rôle reste obscur et difficile à quantifier sans observation directe du mécanisme réactionnel in situ.

Dans un article paru dans la revue Angewandte Chemie International Edition, des chimistes de l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) apportent un nouveau regard sur le rôle des formiates dans la formation du méthanol. Ils ont pour cela utilisé une technique de spectroscopie IR particulière, la spectroscopie operando FT-IR en réflexion diffuse (DRIFTS). Cette technique permet, entre autre, de quantifier les espèces réactives à la surface du catalyseur en fonctionnement. Ils ont ainsi démontré qu’il existait trois espèces de formiates cinétiquement différentes à la surface du catalyseur sous conditions de réaction (3 bars, 220 °C). Seuls les formiates présents à la surface du cuivre semblent responsables de la formation de méthanol. Leur vitesse de décomposition correspond en effet à celle de formation du méthanol. Les deux espèces de formiates présentes à la surface du ZrO2, très majoritaires en concentration, sont beaucoup moins réactives.

Cette étude démontre le rôle complexe que jouent les molécules adsorbées à la surface d’une formulation catalytique relativement simple comme Cu/Zr02. Quantifier leurs réactivités respectives est une nécessité pour mieux les comprendre et développer des catalyseurs plus performants et/ou moins coûteux. La spectroscopie DRIFTS quantitative s’avère un outil puissant pour mieux comprendre le schéma réactionnel de cette catalyse hétérogène de la réduction du CO2.

Au cours de la réduction du CO2 en méthanol catalysée par le cuivre supporté sur zircone, seuls les formiates adsorbés à la surface de cuivre participent à la formation de méthanol. Ceux présents en plus grande quantité à la surface de zircone sont malheureusement nettement moins réactifs. © Frédéric C. Meunier

Référence

Cu-bound formates are main reaction intermediates during CO2 hydrogenation to methanol over Cu/ZrO2
Frederic Christian Meunier, Isaac Dansette, Anaelle Paredes-Nunez & Yves Schuurman
Angewandte Chemie International Edition 2023
https://doi.org/10.1002/anie.202303939

Contact

Frédéric Meunier
Chercheur à l'Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon  (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS