Une pince moléculaire fluorescente et flexible pour piéger les anions
Développer des molécules « pinces » capable de piéger et relarguer des anions, espèces chimiques chargées négativement, est une problématique intéressante pour nombre d’applications allant de la dépollution de l’eau aux approches thérapeutiques. Ce piégeage réversible repose sur l’utilisation d’interactions faibles et modulables entre les molécules « pinces » et l’anion. Des scientifiques de l’ILV, du LAMBE et du PPSM ont mis au point et synthétisé de telles molécules fluorescentes dont le comportement dual de capteur et de sonde d’anions a pu être démontré. Ces résultats sont à retrouver dans la revue RSC Advances.
Les anions, espèces chimiques chargées négativement, sont omniprésents, qu’il s’agisse des nitrates ou phosphates solubilisés dans nos rivières et sur le litoral et responsables de la pollution et de la prolifération des algues vertes, ou, à l’opposé, d’ions chlorure dont le flux à travers la membrane cellulaire est essentiel à nombre de fonctions vitales de nos cellules. Développer des outils moléculaires capables de capter et véhiculer ces ions négatifs en milieu aqueux est un défi important pour de nombreuses applications. De telles « pinces » à anions devraient idéalement permettre non seulement de piéger les anions souhaités, mais aussi de confirmer par une propriété mesurable, comme un changement de couleur par exemple, que ce piégeage a bien eu lieu. Pour relever ce défi, il faut mettre au point des molécules « pinces » adaptées en terme de taille et de géométrie aux anions les plus courants (nitrates, phosphates, sulfates, arsénates, ou iodure, chlorure, bromure) et dotées de propriétés physico-chimiques originales pour jouer à la fois le rôle de capteur et de sonde de la présence des anions. Ces capteurs à anions devraient qui plus est avoir une action réversible qui permettrait de relarguer les ions au moment voulu.
Le piégeage réversible des anions repose sur l’utilisation d’interactions faibles, dites non covalentes, telles que les liaisons hydrogène. Une stratégie intéressante consiste à combiner des interactions de différentes natures au sein d’une même molécule pour atteindre un piégeage plus efficace et sélectif. Des scientifiques de l’Institut Lavoisier de Versailles (CNRS/Université de Versailles Saint Quentin), du Laboratoire analyse, modélisation et matériaux pour la biologie, et l'environnement (CNRS/Université Evry-Val d’Essonne Paris-Saclay/CY Cergy Paris Université) et du laboratoire Photophysique et photochimie supramoléculaires et macromoléculaires (CNRS/ENS Paris Saclay) se sont récemment tournés vers la combinaison au sein d’une même molécule de liaisons hydrogène et d’interactions π-anion entre les nuages d’électrons de l’anion et de cycles aromatiques appauvris en électrons. A l’aide de simulations théoriques, ils ont mis au point et sélectionné les meilleurs candidats possibles, qu’ils ont ensuite synthétisés et testés sur différents type d’anions. Ils ont ainsi démontré que la combinaison d’un donneur de liaison hydrogène comme l’urée avec un donneur de liaison π-anion comme la tétrazine pouvait conduire à une synergie entre les deux type d’interactions faibles très efficace. La fluoresence de la tetrazine permet qui plus est de suivre visuellement le bon piégeage des anions. Ces résultats, publiés dans la revue RSC Advances, permettent une meilleure compréhension des effets de coopérativité entre interactions faibles et la préparation de pièges et sondes à anions efficaces pour nombre d’applications.
Référence
Design and property investigation on a five-interaction-based fluorescent anion receptor clip
R. Plais, H. Boufroura, G. Gouarin, A. Gaucher, V. Haldys, A. Brosseau, G. Clavier, J.-Y. Salpin, D. Prim. RSC Advances, 8 mars 2021