Une ERC pour un microscope intelligent
Pascal Hersen, chercheur du CNRS pionnier de la cybergénétique en France, veut mettre les microscopes à l’heure de l’intelligence artificielle. Grâce à des algorithmes d’apprentissage, il prévoit de rendre ces appareils plus autonomes et capables de savoir à quel moment au cours d’une expérience ils doivent prendre des images.
Lutte contre le cancer, synthèse de molécules pharmaceutiques, production in vitro de viande et autres aliments : tous les jours apparaissent de nouvelles façons d’utiliser les microorganismes. Les techniques pour modifier l’ADN de ces êtres unicellulaires ajoutées aux progrès des méthodes d’analyse et d’observation sont en effet capables de les transformer en véritables petites usines. La capacité de contrôle et manipulation en temps réel du vivant est le domaine d’une nouvelle science appelée cybergénétique. Pascal Hersen, directeur de l’unité de recherche Physico-Chimie Curie (CNRS UMR168 / Sorbonne Université) en est l’un des pionniers en France.
Pascal Hersen commence sa carrière loin des sciences du vivant. Physicien de formation, il consacre sa thèse à la dynamique des dunes de sable. Puis, en 2005, il part à Harvard pour un postdoctorat dans un laboratoire de biologie. « Le laboratoire recrutait des physiciens pour aborder des questions biologiques. J’y ai trouvé la liberté d’explorer ce que je voulais et de collaborer avec des gens très ouverts d’esprits », se souvient Pascal Hersen. Cette expérience américaine arrive à un moment clé. En effet, nous sommes aux débuts de la biologie synthétique, une science dont l’idée centrale est que l’on peut faire de l’ingénierie des cellules comme on le fait pour n’importe quel autre objet technologique. Et cette ingénierie pourrait être exploitée dans les secteurs de la santé, des matériaux innovants ou de l’agroalimentaire.
De retour en France en 2007, il entre au CNRS et s’engage dans un nouveau domaine de recherches appelé cybergénétique et qui constitue un pas de plus dans le contrôle vivant. « L’idée est que l’on peut piloter en temps réel les systèmes vivants. Les cellules sont des systèmes qui traitent de l’information. En contrôlant leur expression génétique par des boucles de rétroaction, on peut les mener à accomplir certaines fonctions qui nous intéressent », explique le scientifique. Ces recherches demandent à son équipe à développer de nouveaux outils d’observation et d’analyse et à mettre au point de nouvelles interfaces entre les cellules et les machines. Par exemple, des microscopes pilotés par un système d’intelligence artificielle.
À partir de 2017, son équipe se lance dans le développement d’algorithmes d’apprentissage automatique afin que les microscopes sachent reconnaître un phénomène particulier au cours d’une expérience. Ces appareils sont alors capables de prendre des images de façon autonome et d’avertir les chercheurs qu’un événement rare requiert leur attention. Les expérimentateurs peuvent alors affiner les réglages en temps réel et obtenir les meilleurs clichés du processus biologique en cours.
C’est l’objet du projet CyberSco.Py pour lequel Pascal Hersen vient d’obtenir une bourse ERC proof of concept. « Ce financement va nous permettre de développer une version « user friendly » de ce système qui soit facile à exporter vers d’autres laboratoires », indique Pascal Hersen. CyberSco.Py permettra ainsi de mettre la microscopie à l’heure de l’intelligence artificielle.
Dans le même temps, le scientifique prévoit de poursuivre ses recherches sur les cellules. Parmi ses projets en cours, la mise au point de bactéries thérapeutiques capables de pénétrer une tumeur et d’y délivrer des médicaments anticancéreux. Rien ne semble impossible à ces microorganismes optimisés !