Une « coque » polymère pour préserver l’action des protéines

Résultats scientifiques Polymères Vivant et santé

Une équipe de chercheurs franco-américains est parvenue à stabiliser l’activité de protéines hors de leur environnement natif en concevant une coque protectrice à base de polymères. Une prouesse qui résulte d’un travail collaboratif. Une équipe du laboratoire Ingénierie des matériaux polymères (IMP CNRS/Université Lyon 1) a conçu le design du polymère constitutif de l’enveloppe protectrice. L’équipe du Pr Ting Xu de l’Université de Californie (Berkeley) a dirigé ce travail et étudié l’activité des protéines candidates. Et des chercheurs de l’Université de Northwestern (Illinois) ont effectué le calcul et la simulation en dynamique moléculaire. De nombreuses applications sont envisagées, notamment en nano et biotechnologies. Ces résultats sont parus dans Science.

Préserver la fonction des protéines au sein des matériaux polymères pour détecter par exemple des pesticides ou des composants d’armes chimiques, c’est aujourd’hui possible. Jusque-là, les tensioactifs ou polymères utilisés pour transférer des protéines dans des solvants organiques impactaient significativement leur activité biologique quand elles étaient redispersées dans l’eau. Résultat ? Moins de 20% de l’activité recherchée de la protéine tout au plus pouvaient être conservés sur une période de 24h. « Grâce à un long travail collaboratif engagé avec les Etats-Unis fin 2012, nous avons réussi à développer une approche universelle qui permet de conserver la structure d’une grande variété de protéines et de préserver majoritairement leur activité », se réjouit Eric Drockenmuller, enseignant-chercheur au laboratoire Ingénierie des polymères (IMP CNRS/Université Lyon 1) et l’un des auteurs de la publication parue récemment dans Science1.


Dans le but de préserver la fonction des protéines dans des environnements dénaturants comme les solvants organiques ou les polymères, l’équipe franco-américaine a eu l’idée de concevoir un polymère dont la structure et la composition calquent la surface des protéines. 
Les chercheurs ont tout d’abord procédé à une analyse statistique de la surface de protéines-candidates dont ils ont identifié finement la distribution et la nature des fonctions (polarité et charge). Ils ont alors pu procéder à la synthèse de polymères qui miment cette composition et cette distribution et peuvent de fait interagir, s’y adsorber (se lier). Et donc en assurer une protection rapprochée tout en préservant leur activité. Au-delà, les résultats montrent que ce même polymère peut agir comme une molécule-chaperon universelle et protéger des protéines hydrophobes en solution aqueuse tout comme des protéines hydrophiles dans un solvant organique.

Un large champ d’applications est ouvert en nano et biotechnologies, parmi lesquelles la conception simple et efficace de matériaux hybrides polymères/protéines. A Berkeley, les chercheurs ont déjà réalisé la preuve de concept sur des nanofibres de polymère auxquelles ils ont intégré une protéine hydrolase protégée par une coque de polymères. Et donc capable d’assurer sa fonction de détection d’insecticides ou de composants présents dans des armes chimiques.

 

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Un polymère synthétique permet de solubiliser différentes protéines dans des solvants organiques tout en conservant leur activité biologique

@Cyril Frésillon/CNRS Photothèque

 

 

 

Références

Random heteropolymers preserve protein function in foreign environments. Brian Panganiban, Baofu Qiao, Tao Jiang, Christopher DelRe, Mona M. Obadia, Trung Dac Nguyen, Anton A. A. Smith, Aaron Hall, Izaac Sit, Marquise G. Crosby, Patrick B. Dennis, Eric Drockenmuller, Monica Olvera de la Cruz et Ting Xu. Science, 359, pages 1239-1243 (2018)

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Anne Royou
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC