Un pigment durable inspiré par archéo-mimétisme

Résultats scientifiques Matériaux

En se basant sur l’étude de matériaux anciens connus pour leur résistance au temps, des scientifiques du Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale (LAMS, CNRS/ Sorbonne Université) ont développé un pigment hybride extrêmement stable contre les dégradations chimiques et thermiques. Les résultats sont publiés dans la revue Journal of Colloid and Interface Science.

Certains peintres comme Van Gogh et Renoir ne reconnaissaient pas leurs œuvres de leur vivant, seulement 20 ans après les avoir réalisées, à cause de la disparition complète de certaines couleurs. Dans le domaine des cosmétiques et de la peinture, la photodégradation ou le relargage des colorants organiques a ainsi toujours été un défi majeur. Grâce à des techniques avancées, la chimie d’aujourd’hui permet de comprendre les pratiques du passé et les problèmes rencontrés à l’époque, et d’améliorer les procédures.

La notion d’archéo-mimétisme est ainsi développée au Laboratoire d’archéologie moléculaire et structurale (LAMS, CNRS/ Sorbonne Université) : elle consiste à étudier des matériaux anciens pour dévoiler leurs secrets d’un point de vue physico-chimique, et de créer de nouveaux pigments aux propriétés améliorées. Par exemple, les Maya savaient déjà au VIIIème siècle préparer des pigments stables résistants à la lumière et aux solvants, grâce au confinement de l’indigo (colorant organique) dans les canaux de la palygorskite (argile). Cependant, en fonction de la nature du minéral et de la taille des particules du colorant, cette procédure ne peut pas toujours être appliquée.

En se basant sur cette approche archéo-mimétique, les scientifiques du LAMS ont élaboré, en collaboration avec l’université de Beijing et de l’université de Paraiba, des pigments hybrides à base d’une argile tubulaire et d’un pigment végétal. Un enrobage de la surface de ce mélange par des produits de synthèse dérivant du silicium (organosilanes) ne modifie pas la couleur mais aboutit à une hydrophobisation complète du matériau hybride : celle-ci empêche toute interaction avec le matériau et permet de lui assurer une photo-stabilité chimique et thermique. La compréhension approfondie, au niveau moléculaire, de l’origine de cette stabilité permet d’envisager la généralisation de ce procédé à toutes les couleurs issues des colorants organiques, naturels ou synthétiques.

Représentation schématique de la fabrication du pigment durable © Guanzheng Zhuang

Référence

Guanzheng Zhuang, Maguy Jaber, Francisco Rodrigues, Baptiste Rigaud, Philippe Walter and Zepeng Zhang
A new durable pigment with hydrophobic surface based on natural nanotubes and indigo: interactions and stability

Journal of Colloid and Interface Science Avril 2019
DOI: 10.1016/j.jcis.2019.04.072

Contact

Maguy Jaber
Enseignante-chercheuse au Laboratoire d'archéologie moléculaire et structurale (CNRS/Sorbonne Université) et Directrice adjointe scientifique pour l'interdisciplinarité à l'Institut de chimie
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Sophie Félix
Chargée de communication