Un nouveau pas vers la conception d’une cellule artificielle

Résultats scientifiques

Les cellules sont de formidables usines chimiques, capables de mener plusieurs synthèses différentes en même temps dans des compartiments qu’elles forment et défont en fonction de leurs besoins. Des chercheurs du Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO, CNRS/Institut polytechnique de Bordeaux/Université de Bordeaux) ont réussi à mimer cette compartimentation avec des macromolécules biomimétiques artificielles. Publiés dans la revue Advanced Science, ces travaux sont une nouvelle avancée vers la conception de cellules artificielles.

Les cellules eucaryotes, qui composent entre autres le corps humain, effectuent à l’intérieur d’elles-mêmes plusieurs réactions chimiques différentes en simultané. Cela n’est possible que grâce à leur capacité à créer en leur propre sein des sous-compartiments, qu’elles contrôlent dans le temps et l’espace de façon dynamique. La maîtrise de cette compartimentation reste un verrou important pour la conception de cellules autonomes artificielles, qui pourraient servir à mieux étudier le fonctionnement des cellules naturelles, à optimiser certaines synthèses en s’inspirant de l’efficacité du monde du vivant, et des applications médicales inédites telles que la production sur demande de principes actifs dans le corps humain.

Des chercheurs du Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO, CNRS/Institut polytechnique de Bordeaux/Université de Bordeaux) ont synthétisé les premières macromolécules capables de se compartimenter de façon réversible et dynamique dans des conditions proches de celles de l’intérieur des cellules eucaryotes. Ces macromolécules synthétiques sont constituées d’une protéine désordonnée et thermosensible, proche de l’élastine qui donne sa souplesse à la peau, liée à un polymère de type poly(éthylène glycol), utilisé couramment dans l’industrie. Les macromolécules ont également été couplées à une sonde fluorescente, qui permet aux chimistes de les visualiser. À l’intérieur d’un système microfluidique qui contrôle les paramètres comme la concentration et la taille des systèmes avec suffisamment de précision pour garantir la répétabilité des expériences, les macromolécules ont été incorporées dans des gouttelettes de poly(éthylène glycol) et de dextran, mélange capable d’induire une séparation de phase liquide-liquide. En jouant sur la température, les chercheurs ont obtenu une compartimentation sélective des macromolécules dans une des phases ou à leur interface, contrôlant de façon dynamique leur assemblage et désassemblage, tout en gardant l’ensemble sous forme liquide. Les chercheurs vont à présent tenter de confiner des enzymes dans ces compartiments et de les faire réagir sélectivement avec un control spatio-temporel, se rapprochant ainsi un peu plus d’une cellule artificielle fonctionnelle.

image lecommandoux
(a) Conception de la macromolécule. (b) Préparation de l’expérience en milieu microfluidique. (c) Image des gouttes dans lesquelles la compartimentation a lieu. (d) Assemblage de la macromolécule et sa compartimentation. © Zhao et al.

Référence

Hang Zhao, Emmanuel Ibarboure, Vusala Ibrahimova, Ye Xiao, Elisabeth Garanger &Sébastien Lecommandoux
Spatiotemporal dynamic assembly/disassembly of organelle-mimics based on intrinsically disordered protein-polymer conjugates

Advanced Science 2021

https://doi.org/10.1002/advs.202102508

Contact

Sébastien Lecommandoux
Enseignant-chercheur au Laboratoire de chimie des polymères organiques (CNRS/Institut polytechnique de Bordeaux/Université de Bordeaux)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC