Un mouvement de spins d’électrons compatible avec des mémoires magnétiques

Résultats scientifiques

Certaines propriétés du spin des électrons peuvent servir à des dispositifs spintroniques et au stockage d’une information magnétique. Parmi elles, le mouvement de précession dans le champ d’un matériau magnétique a déjà été observé, mais avec des faisceaux d’électrons de trop haute énergie pour être compatibles avec l’électronique moderne. Grâce à un tour de force expérimental de chercheurs de l’IJL (CNRS/Université de Lorraine), du SPINTEC (CNRS/CEA/UGA), de l’IPCMS (CNRS/Université de Strasbourg) et de l’Université de Cluj-Napoca (Roumanie), le phénomène a enfin été observé pour des électrons de plus faible énergie. Publiés dans la revue Annalen der Physik, ces travaux ouvrent la voie vers de nouvelles applications en spintronique.

L’intensité et l’orientation du magnétisme d’une particule sont rassemblées dans une grandeur appelée spin, qui peut être transféré d’un électron à une couche magnétique. Ce phénomène, exploité en spintronique, permet l’écriture des informations sur des composants de type Mémoires magnétiques à accès aléatoire (MRAM). En présence d’un champ magnétique, la direction du spin précesse : un mouvement semblable à celui de l’axe d’une toupie qui perd de la vitesse, dont l’axe ne reste plus droit et commence à dessiner des cercles. Des mesures à haute énergie avaient démontré des angles de précession proches de 90°. Ce phénomène n’a jamais été étudié à basse énergie, le domaine utilisé dans les composants électroniques. Des chercheurs de l’Institut Jean Lamour (IJL, CNRS/Université de Lorraine), du laboratoire Spintronique et technologie des composants (SPINTEC, CNRS/CEA/Université Grenoble Alpes), de l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Université de Strasbourg) et de l’université de Cluj-Napoca (Roumanie) ont observé pour la première fois une précession de spin à basse énergie, ouvrant ainsi la voie à son exploitation en électronique.

Pour cela, les chercheurs ont réalisé un véritable laboratoire sur puce, comprenant deux parties principales. D’abord, une jonction tunnel magnétique : deux couches magnétiques d’aimantations croisées, ici à base de cobalt, séparées par une couche isolante de quelques nanomètres d’épaisseur. Elle permet une injection à basse énergie, correspondant aux applications spintroniques. Après la précession dans l’une des couches magnétiques, la direction du spin des électrons est analysée en spin, par une vanne de spin, et en énergie, par une diode de Schottky. Ces analyses montrent une précession ultrarapide du spin, 360° sur quelques angströms, rendant possible l’injection d’une orientation de spin contrôlable dans de nombreux composants. Les chercheurs ont à présent démarré une nouvelle thèse, où ils tenteront de mieux contrôler l’angle de précession et de développer des applications en spintronique.

Représentation de la précession du spin (flèches colorées) d’un électron (boules grises) dans le champ moléculaire (flèches pastel) d’un matériau ferromagnétique (boules bleues). © Vautrin et al.

Référence

Low-energy spin precession in the molecular field of a magnetic thin film Christopher Vautrin, Daniel Lacour, Coriolan Tiusan, Yuan Lu, François Montaigne, Mairbek Chshiev, Wolfgang Weber, Michel Hehn Annalen der Physik, 10 décembre 2020.

 

https://doi.org/10.1002/andp.202000470

Contact

Michel Hehn
Chercheur, Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS