Un moulage moléculaire pour générer la chiralité

Résultats scientifiques Molécules

La plupart des médicaments mais également les arômes et les parfums possèdent des propriétés chirales, ce qui signifie que les molécules qui les composent se présentent sous deux formes – deux  énantiomères -  dont les effets sont parfois opposés, alors qu’une seule est utile en termes d’applications. Aujourd’hui, la synthèse de ces composés conduit le plus souvent à un mélange 50/50 des deux énantiomères. Il existe donc un fort intérêt académique et industriel pour développer de nouvelles stratégies menant à la synthèse d’un seul énantiomère. Les chercheurs de l’Institut des sciences moléculaires (CNRS/Université Bordeaux/Bordeaux INP), une équipe de l’Université de Kasetsart à Bangkok et le Vidyasirimedhi Institute of Science and Technology (VISTEC) à Rayong en Thaïlande ont mis au point une alternative. Dans une publication de la revue Nature Communications, ils proposent de recourir à un « moulage » moléculaire dans des métaux poreux pour favoriser la synthèse d’un des deux énantiomères.

Une molécule chirale se présente sous deux formes (énantiomères) de même composition chimique, mais pour lesquelles les images dans un miroir ne sont pas superposables. La synthèse chimique de ce type de molécules conduit dans la plupart des cas à un mélange 50/50 des deux énantiomères. Dans le domaine pharmaceutique qui représente des chiffres d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros chaque année, ce sont fréquemment des molécules chirales qui sont à la base des principes actifs. De plus, chaque énantiomère peut présenter des effets très différents, l’un étant bénéfique, l’autre, dans le pire des cas, toxique . On comprend donc l’importance de pouvoir produire séparément chaque énantiomère pour administrer au patient le bon et non pas un mélange des deux.

Pour cela, les chercheurs peuvent utiliser des catalyseurs chiraux qui favorisent la production d’un des énantiomères au détriment de l’autre. Une autre approche repose sur l’utilisation de polymères imprimés comme matrice de conservation de l’information chirale. On utilise la molécule chirale comme moule (« template ») et on fait croître le polymère autour. Après extraction de la molécule cible de la matrice, on obtient un matériau possédant des cavités moléculaires avec une structure représentant le négatif de la molécule initiale. Ces cavités sont ensuite capables de reconnaître de manière plus au moins spécifique l’énantiomère qui a servi à l’impression.

Dans ce contexte, les chercheurs de l’Institut des sciences moléculaires de Bordeaux et leurs collègues thaïlandais proposent une approche originale. Leur étude : imprimer l’information chirale dans des matrices mésoporeuses métalliques et utiliser les cavités chirales ainsi crées pour favoriser la formation d’un énantiomère par rapport à l’autre pendant une synthèse électrochimique. L’importante porosité confère une bonne accessibilité et un nombre très important de sites de reconnaissance moléculaire grâce à une surface spécifique très élevée. Les cavités chirales  servent de sites d’adsorption spécifiques pour les molécules de départ (qui ne sont pas encore chirales). Une fois adsorbées dans cavité chirale, elles vont avoir tendance à réagir de façon privilégiée pour former l’un des deux énantiomères.

Bien que l’excès énantiomérique soit encore modeste, cette preuve de concept ouvre la porte vers une nouvelle façon d’envisager la synthèse chirale.

 

Image retirée.
© Alexander Kuhn

 

 

 

Référence

Thittaya Yutthalekha, Chularat Wattanakit, Veronique Lapeyre, Somkiat Nokbin,
Chompunuch Warakulwit, Jumras Limtrakul & Alexander Kuhn

Asymmetric synthesis using chiral-encoded metal

Nature Commun. 26 août 2016
doi: 10.1038/ncomms12678

 

 

Contact

Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC