Un indice de plus pour comprendre l’origine de la vie : la mordenite

Résultats scientifiques Catalyse Vivant et santé

En collaboration avec l’Université de Paraiba, le Centre de biophysique moléculaire d’Orléans et le Laboratoire de catalyse et spectroscopie de Caen, une équipe du Laboratoire d'archéologie moléculaire et structurale (CNRS/Sorbonne Université) a montré qu’il est possible de s’affranchir d’activateurs chimiques pour former les premières briques élémentaires du vivant. La solution ? Un matériau microporeux, la mordenite, qui agit comme un nanoréacteur. Ces résultats étonnants sont parus dans la revue The Journal of Physical Chemistry Letters.

La formation sur une Terre primitive de molécules d’ARN, clés dans l’apparition du vivant, n’a jusqu’à ce jour pas été élucidée. Elle semble chimiquement impossible dans un océan primitif, principalement dominé par la présence de l’eau, en l’absence de catalyseurs et d’activateurs chimiques. De plus, le ribose, sucre constituant les éléments de base de l’ARN, est particulièrement instable. Les spécialistes s’interrogent donc sur la manière dont les premières briques élémentaires de l’ARN, et donc du vivant, ont été protégées de la dégradation et dont les processus de polymérisation, menant à des molécules plus complexes, ont eu lieu. Apportant une réponse nouvelle à ces questions, une équipe du LAMS (CNRS/Sorbonne Université), en collaboration avec l’Université de Paraiba, le Centre de biophysique moléculaire d’Orléans et le Laboratoire de catalyse et spectroscopie de Caen, a montré que l’on pouvait s’affranchir de l’utilisation d’activateurs chimiques grâce à un matériau microporeux, la mordenite.

En ajoutant du ribose, du phosphate et de l’adénine à la surface du matériau, il a été possible de former, pour la première fois en condition prébiotique, des molécules briques élémentaires de l’ARN : les adénosines monophosphate, di-phosphate et triphosphate. La formation des deux dernières, hautement énergétiques, est inédite sans la présence d’activateurs. De plus, l’étude montre que ces adénosines ne se contentent pas de rester à la surface du matériau mais s’infiltrent dans toute la porosité : le matériau joue donc le rôle de nanoréacteur permettant à la fois de protéger les molécules et d’initier leur polymérisation par une catalyse sans activateur chimique.

Ce résultat exceptionnel montre donc pour la première fois la formation de ces adénosines dans des conditions géochimiques compatibles avec une Terre primitive, ce qui ouvre la voie à une formation abiotique d’ARN.

Référence

Francisco Rodrigues, Thomas Georgelin, Guillaume Gabant, Baptiste Rigaud, Fabrice Gaslain, Guanzheng Zhuang, Maria Gardênnia da Fonseca, Valentin Valtchev, David Touboul, Maguy Jaber
Confinement and Time Immemorial: Prebiotic Synthesis of Nucleotides on a Porous Mineral Nanoreactor

J Phys Chem Lettjuin 2019
DOI: 10.1021/acs.jpclett.9b01448

Contact

Maguy Jaber
Enseignante-chercheuse au Laboratoire d'archéologie moléculaire et structurale (CNRS/Sorbonne Université) et Directrice adjointe scientifique pour l'interdisciplinarité à l'Institut de chimie
Francisco Rodriguez
Chercheur (LAMS UMR8220)
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC
Sophie Félix
Chargée de communication