Un appareillage décrypte l’attraction à longue portée de surfaces hydrophobes

Résultats scientifiques Instruments et analyse

Des chercheurs de l’Institut Charles Sadron (CNRS/ Université de Strasbourg) et de SOLEIL ont mis au point un appareillage innovant qui leur a permis d’expliquer l’attraction à longue portée entre des surfaces macroscopiques hydrophobes. Ces travaux, publiés dans Physical Review Letters, ouvrent des possibilités d’étude dans de nombreux domaines de la physique (matériaux, revêtements, énergie…) et de la biologie (interactions spécifiques, transport de médicaments, cosmétique…).

Les interactions hydrophobes jouent un rôle important dans de nombreux phénomènes, du repliement des protéines à l’auto-association de tensioactifs et de lipides en solution, en passant par les propriétés des dispersants et des formulations (émulsions, crèmes, shampoings, colorants, etc.) ou la synthèse de nanoparticules. La clé de la compréhension de l’effet hydrophobe est la nature de la région de contact entre l’eau et une surface hydrophobe. Néanmoins l’origine de l’attraction longue portée entre deux substrats macroscopiques hydrophobes (une centaine de nanomètres, c’est-à-dire une interaction sur plusieurs centaines de diamètres moléculaires) restait jusque-là incomprise. Des chercheurs de l’Institut Charles Sadron (CNRS/Université de Strasbourg) et du synchrotron SOLEIL viennent de l’expliquer, grâce à un développement instrumental poussé, combinant la mesure directe des interactions entre deux surfaces en fonction de leur séparation et la diffusion de rayons X aux petits angles. Ainsi, la relation force-distance-structure est établie.

Plus de dix ans d’efforts continus ont été nécessaires pour relever ce challenge expérimental. Les chercheurs ont pu observer les régions interfaciales d’un film d’eau confiné entre deux surfaces hydrophobes, et suivre leur évolution structurale avec l’épaisseur du film d’eau. L’espacement entre les deux substrats hydrophobes peut en effet être contrôlé à l’échelle subnanométrique et être varié de manière continue.

Il apparaît que c’est la redistribution des ions le long des surfaces qui crée une attraction longue portée entre deux surfaces macroscopiques hydrophobes et non chargées. Des corrélations latérales entre les positions des ions naissent et s’accentuent lorsque les deux substrats se rapprochent. Elles créent une force attractive dans la direction perpendiculaire.

Reliant structure, force et distance, l’instrumentation mise au point par les chercheurs permet d’étudier les interactions spécifiques directionnelles, les conformations des agrégats de tensioactifs, polymères et copolymères, les modifications et les transitions de phase induites par confinement et sous contrainte, mais aussi la nano-structuration de liquides ioniques. Il ouvre ainsi un vaste champ inexploré dans la physique de la matière condensée et de la physico-chimie, mais aussi de la biologie, avec des applications multiples dans les matériaux et le stockage d’énergie.

 

Références

Patrick Kekicheff, Jean Iss, Philippe Fontaine, Albert Johner
Direct measurement of lateral correlations under controlled nano-confinement
Physical Review Letters Mars 2018
DOI: 10.1103/PhysRevLett.120.118001

Contact

Patrick Kekicheff
Sophie Félix
Chargée de communication
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Christophe Cartier dit Moulin
Chercheur à l'Institut parisien de chimie moléculaire & Chargé de mission pour la communication scientifique de l'INC