Trois questions à Olivier Joubert sur la production d’électricité grâce à l’hydrogène
La filière hydrogène suscite beaucoup d’espoirs quant à l’émergence d’une source durable et fiable d’énergie. Olivier Joubert, directeur de la Fédération hydrogène du CNRS (FRH2) et chimiste à l’Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel (CNRS/Nantes Université), revient sur le chapitre « De l’hydrogène pour faire de l’électricité » qu’il a co-écrit[1] pour l’ouvrage Étonnante Chimie, paru chez CNRS Editions en 2021.
La production d’énergie par l’hydrogène suscite beaucoup d’espoir, mais on parle d’hydrogène vert. À quoi correspond cette notion ?
L’hydrogène a un rôle essentiel à jouer dans la transition énergétique et, en octobre 2021, le gouvernement a lancé un plan d’envergure pour transformer la France en leader de l’hydrogène vert, c’est-à-dire qui n’est pas obtenu à partir d’énergie fossile. Bien qu’il s’agisse de l’atome le plus abondant de l’univers, l’hydrogène est en effet très peu présent sur Terre à l’état pur. Il peut cependant être extrait de l’eau grâce à des électrolyseurs. Ce procédé demande un apport en énergie qui doit être renouvelable, sans quoi on perdrait tout le bénéfice environnemental de l’hydrogène. Ce gaz peut alors alimenter des piles à combustible, qui produisent de l’électricité.
Le plan hydrogène lancé par le gouvernement est doté de neuf milliards d’euros, dont 65 millions pour la recherche, afin d’accompagner la montée en puissance de cette filière. La stratégie industrielle française est en particulier orientée vers l’électrolyse à haute température, aux meilleurs rendements, à l’instar de l’usine Genvia de Béziers inaugurée en mars 2021. Cependant, améliorer les performances des systèmes à hydrogène ne suffira pas pour les imposer, il faudra également en réduire les coûts pour que la filière tienne la route.
Sur quels points la recherche se concentre-t-elle afin d’améliorer la production d’énergie avec de l’hydrogène vert ?
Les recherches sur l’hydrogène se focalisent principalement sur l’amélioration des performances des électrolyseurs et des piles à combustible. Ces deux axes partagent d’ailleurs certaines problématiques, liées à l’amélioration des électrodes.
Car pour améliorer la compétitivité de l’hydrogène face aux énergies fossiles, et ainsi généraliser son usage, les chimistes veulent réduire le coût et améliorer la durée de vie des éléments qui composent les électrodes et les membranes des électrolyseurs et des piles à combustible. Des travaux visent également à remplacer certains matériaux des électrodes, en particulier le platine, par des alternatives moins rares et coûteuses. Enfin, les piles à combustible et les électrolyseurs comprennent tous deux une membrane en polymère qui contient du fluor, qu’il faudrait remplacer par des éléments plus verts.
Quels sont vos principaux travaux sur l’hydrogène ?
À l’IMN de Nantes, je travaille surtout au développement de matériaux céramiques qui peuvent servir aussi bien aux électrolyseurs qu’aux piles à combustible ou aux systèmes réversibles entre les deux. Il s’agit de les utiliser à hautes températures. Les électrolyseurs présentent en effet de meilleurs rendements lorsqu’on augmente leur température de fonctionnement, mais, en retour, cela réduit leur durée de vie. La chaleur améliore également les performances des piles à combustible et réduit les besoins en métaux rares, comme le platine, mais elle allonge leur durée de démarrage. Tout est question d’équilibre et de compromis, que la recherche doit aider à mieux concilier.
Nous étudions également des piles à combustible qui fonctionnent à partir de carburants issus de la biomasse, afin d’obtenir une source d’énergie électrique verte. Enfin, nous voulons améliorer la recyclabilité des électrolyseurs et des piles à combustible.
[1] Avec Jean-Marc Bassat de l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB, CNRS/Polytechnique Bordeaux/Université de Bordeaux), Marian Chatenet du Laboratoire d’électrochimie et de physicochimie des matériaux et des interfaces (LEPMI, CNRS/Université Grenoble Alpes/Université Savoie Mont-Blanc) et Christophe Coutanceau de l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers (IC2MP, CNRS/Université de Poitiers).