Stéphanie Descroix : « faire mieux avec moins grâce à la microfluidique»
Stéphanie Descroix a reçu une formation interdisciplinaire en biologie et chimie. Elle est directrice de recherche CNRS, à la tête d’une équipe spécialisée en microfluidique au centre de recherche de l’Institut Curie. Avec cette technique, elle réduit l’espace et le temps au diamètre d’un cheveu.
Lorsqu’un collègue propose à Stéphanie Descroix de s’exprimer dans l’ouvrage collectif Étonnante chimie sur la microfluidique, son domaine de recherche, elle y voit immédiatement une occasion d’inviter d’autres scientifiques dans une volonté de complémentarité pour parler de cette technologie. L’interdisciplinarité est pour elle un enrichissement permanent.
Sa collaboration à un des chapitres de ce livre, qui montre notamment les avancées de la microfluidique pour la médecine, rassemble donc trois points de vue - dont le sien - que la scientifique a eu le plaisir de coordonner.
« Pour ce chapitre, j’ai invité des chercheurs qui ne sont pas dans mon labo : l’un est au Laboratoire « chimie organique et bioorganique - réactivité et analyse » de Rouen, l’autre au Laboratoire du futur de Bordeaux, avec des compétences différentes des miennes », raconte Stéphanie Descroix. « Il y a une partie sur la physico-chimie, ma partie étant la biologie, et une partie sur la synthèse organique… et enfin j’ai choisi des gens sympas ! » se réjouit-elle en soulignant la fluidité des échanges entre les auteurs. Ensemble, ils sont parvenus à un article de vulgarisation dont le titre engageant : « Faire mieux avec moins : la microfluidique ! » est signé de Stéphanie Descroix.
Chacun d’entre eux a apporté un regard original sur cet outil commun et récent qu’est la microfluidique. Cette dernière est une technologie qui permet de manipuler des fluides liquides ou gazeux à travers de minuscules canaux à l’échelle micrométrique du diamètre d’un cheveu. Ce dispositif permet l’analyse d’échantillons biologiques avec d’énormes rendements en travaillant sur de très petits volumes (nanolitre/picolitre) tout en les observant par milliers voire par millions en même temps. De l’optimisation de procédés !
Ces dispositifs de tailles micrométriques fabriqués en laboratoire servent aussi à reproduire de micro-organes afin d’étudier un certain nombre de maladies, notamment le cancer ; avec peu de matériel biologique il devient possible de tester simultanément des milliers de conditions expérimentales.
« Dans ce chapitre, nous avons voulu exposer un panel surprenant des possibilités offertes par l’utilisation de la microfluidique : pour des applications en biologie, en synthèse des molécules, en cristallisation de protéines… et encore nous n’avons pas évoqué les aspects autour de l’énergie où il se passe également des choses incroyables ! »
La jeune directrice de recherche souligne l’importance de la vulgarisation des sciences dans une période difficile de crise sanitaire où la communication scientifique doit jouer un rôle et inviter la société civile à participer à la réflexion.
« Vulgariser c’est aussi donner les moyens aux individus de réfléchir avec les scientifiques », explique Stéphanie Descroix. « La crise sanitaire nous a montré qu’il fallait être prudent. Les scientifiques acceptent la complexité, l’incertitude, la remise en question. C’est comme si le monde entier vivait un processus scientifique en direct. »
À propos de la place des femmes dans les laboratoires, elle s’amuse à souligner qu’elle travaille dans une unité CNRS à l’Institut Curie, fondée par l’illustre chercheuse éponyme et un homme. « Personne ne se souvient de Claudius Regaud, un prestigieux chercheur qui travaillait sur l’effet des rayonnements sur les cellules avec qui Marie Curie a élaboré ce fameux continuum recherche-soins ! ».
Par Zahra Muyal
[1] Faire mieux avec moins : la microfluidique ! Stéphanie Descroix, Jean-Baptiste Salmon, Julien Legros. Étonnante chimie ! Éditions CNRS.