Spintronique : des champs électriques pour contrôler l’aimantation de nano-aimants

Résultats scientifiques

L’informatique quantique repose sur le contrôle des propriétés quantiques des qubits. Des chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg, du Laboratoire national des champs magnétiques intenses et de l’Institut de nanosciences de Modène (Italie) ont réussi un contrôle électrique de ces propriétés pour un type tout récent de qubits : le qubit à chiralité de spin. Publiés dans Nature Communications, ces travaux ouvrent la voie à des qubits plus résistants aux erreurs.

Les ordinateurs quantiques fonctionnent grâce à des qubits, de minuscules systèmes capables de stocker une information quantique. Différentes sortes de qubits existent, dont des nano-objets magnétiques. Avec les technologies disponibles, ces derniers seraient plus efficacement manipulés par un champ électrique qu’un champ magnétique. Les pointes des microscopes à effet tunnel peuvent par exemple adresser une molécule unique avec des champs électriques très intenses, localisés et rapidement modulables. Le contrôle électrique d’un objet magnétique passe par ce que l’on appelle le couplage magnétoélectrique. Ce phénomène rare se manifeste comme une modification des propriétés magnétiques par des perturbations électriques, et vice-versa. Ce couplage a été postulé pour un nouveau type de qubit : le qubit à chiralité de spin. Ce dernier se présente sous la forme d’une molécule composée de trois ions dont l’état magnétique, ou spin, de chacun est couplé avec celui des deux autres. Le triangle devient alors un système quantique à travers son spin collectif, qui est caractérisé par une propriété émergente appelée chiralité de spin. Cette disposition des qubits à chiralité de spin a pour intérêt de les protéger du bruit magnétique ambiant lors de leur utilisation dans un ordinateur quantique. Des chercheurs de l’Institut de chimie de Strasbourg (IC, CNRS/Univ. Strasbourg), du Laboratoire national des champs magnétiques intenses (LNCMI, CNRS) et de l’Institut des nanosciences de Modène (Italie) ont réussi ce couplage magnétoélectrique et mis en évidence pour la première fois des transitions de spin dirigées par de l’électricité.

Les scientifiques ont pour cela utilisé des qubits à chiralité de spin composés d’un triangle de fer(III). La spectroscopie d’infrarouge lointain sous champs magnétiques (MFIR) leur a permis de mettre en évidence des excitations magnétiques dues à la composante électrique d’une onde électromagnétique en propagation libre. L’état quantique des qubits a ainsi changé sans passer par un contrôle magnétique. L’équipe veut à présent mesurer le temps de cohérence de ces qubits, c’est-à-dire le temps pendant lequel ils conservent leur nature quantique, ainsi que déposer les qubits de fer(III) sur des surfaces qui leur permettrait d’interagir avec des pointes de microscopes à effet tunnel, qui offrent un excellent contrôle électrique.

Rédacteur : MK

Référence

Florian le Mardelé, Ivan Mohelský, Jan Wyzula, Milan Orlita, Philippe Turek, Filippo Troiani & Athanassios K. Boudalis
Probing spin-electric transitions in a molecular exchange qubit
Nat Commun 16, 1198 (2025)
https://doi.org/10.1038/s41467-025-56453-1

Une transition, qui connecte deux états à chiralités opposées d’un triangle de spin, est excitée par la composante électrique d’un faisceau électromagnétique dans l’infrarouge lointain. On parle de chiralité de spin, une propriété quantique émergente, due aux interactions magnétiques entre les trois spins © Athanassios K. Boudalis

Contact

Athanassios Boudalis
Chercheur à l'Institut de chimie de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg)
Communication CNRS Chimie