Spectroscopie RMN 2D “DANA”: Une nouvelle frontière analytique encore franchie!

La détermination non-ambiguë de la structure tridimensionnelle de molécules naturelles ou de synthèse est un enjeu considérable pour les chimistes. La spectroscopie de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) classique utilisant des solvants isotropes (phase liquide) offre des solutions analytiques intéressantes, mais pas toujours efficaces. Au cours des 20 dernières années, un changement de paradigme est intervenu avec l’avènement de la RMN en milieux faiblement “orientant”, constitués, par exemple, de cristaux liquides lyotropes ou de gels de polymères, combinée avec de la modélisation moléculaire. Cette approche repose sur la capacité de ce type de solvants à orienter les molécules au sein du champ magnétique des spectromètres de RMN. Elle permet, surtout, de mesurer des grandeurs dites « anisotropes » comme le couplage dipolaire entre deux noyaux d’une molécule ou l’anisotropie de déplacement chimique associée à l’environnement des atomes qui, en milieu isotrope, sont moyennées à zéro par les mouvements moléculaires aléatoires. En revanche, en milieu anisotrope, il est possible de corréler ces observables RMN à des informations structurales essentielles comme les distances interatomiques et donc, in fine, reconstruire la géométrie d’une molécule. Ces deux grandeurs ont été abondamment exploitées pour déterminer la structure de molécules bioactives.

 

Une dernière frontière restait encore à franchir dans le domaine de l’analyse structurale: l’exploitation des couplages quadrupolaires, spécifiquement associés à des noyaux atomiques de spin I > ½. Le deutérium (2H), second isotope de l’hydrogène présent naturellement dans toutes molécules organiques hydrogénées à hauteur d’environ  0.0155 %, en est un très bon exemple (I = 1). Ce troisième et dernier challenge majeur vient de tomber puisque des chercheurs de l’ICMMO (CNRS/Université Paris-Saclay) à Orsay ont démontré le potentiel analytique de la RMN bidimensionnelle 2H en abondance naturelle anisotrope (RMN 2D DANA”) à 14 T, en déterminant la structure 3D et la configuration relative de deux composés chiraux naturels d'intérêt pharmaceutique et de poids moléculaire élevé. Ce travail, mené en collaboration avec des chercheurs de l’Université Carnegie Mellon (USA) et de l’Université fédérale de Pernambuco (Brésil), a été effectué sur des échantillons de strychnine (un poison violent) et d’artémisinine (un antipaludique naturel) orientés dans des phases cristal-liquide organiques polypeptidiques. Les structures moléculaires 3D ainsi déterminées sont conformes à la littérature. Ces travaux, en couverture du Journal of Natural Products où ils sont parus, ouvrent la voie à de nombreux développements dans le domaine de l’analyse structurale de composés naturels complexes. Et à l’image d’une fameuse chanson sortie en 1998, la Tribu de “DANA” tend ses bras à tou(te)s les chimistes aventureux/euses.

Crédit phot: Philippe Lesot

Référence

Deuterium Residual Quadrupolar Couplings: Crossing the Current Frontiers in the Relative Configuration Analysis of Natural Products Philippe Lesot, Roberto R. Gil, Philippe Berdagué, et Armando Navarro-Vázquez,J. Nat. Prod. (2020), 83, 3141–3148.

 

https://pubs.acs.org/doi/pdf/10.1021/acs.jnatprod.0c00745

 

Contact

Philippe Lesot
Directeur de recherche, Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d'Orsay (ICMMO)
Roberto Gil
Professeur, Département de Chimie, Carnegie Mellon University, USA
Stéphanie Younès
Responsable Communication - Institut de chimie du CNRS
Anne-Valérie Ruzette
Chargée scientifique pour la communication - Institut de chimie du CNRS