Saboter les lecteurs de l’ADN : une nouvelle arme contre les gènes silencieux

Résultats scientifiques

Une équipe de scientifiques du CNRS et de l’Institut Pasteur à Paris a mis au point de nouvelles molécules capables de perturber un acteur clé de la régulation de le l’expression de nos gènes, le lecteur MBD2. Une avancée prometteuse pour mieux comprendre et peut-être un jour soigner certaines maladies liées à l’épigénétique, comme le cancer.

Dans nos cellules, l’ADN ne se contente pas de porter l’information pour les gènes : il orchestre leur expression. Parmi les mécanismes qui régulent celle-ci figure la méthylation, une sorte de « post-it chimique » apposé sur l’ADN qui indique si un gène doit être lu ou non. Quand ce marquage tourne mal, cela peut conduire à des maladies graves comme les cancers. Un peu comme des voitures sans freins, ces derniers prolifèrent quand les gènes suppresseurs de tumeurs manquent ou sont désactivés par la méthylation de l'ADN.

Plusieurs protéines sont impliquées dans la régulation fine de la méthylation de l'ADN. En plus des protéines qui catalysent la méthylation et celles qui l'enlèvent, il y a une catégorie de protéines qui sont appelées « lectrices », qui reconnaissent la présence du groupement méthyle et transmettent les signaux correspondants, comme le recrutement de complexes qui empêchent, par exemple, la lecture de l'ADN du gène correspondant. Jusqu’ici, aucun outil ne permettait de cibler précisément la reconnaissance de ces protéines lectrices de l’ADN méthylé pour étudier de plus près leur fonctionnement et potentiellement contrecarrer les effets d’une méthylation anormale.

Des scientifiques du laboratoire Chem4Life (CNRS/Institut Pasteur) ont conçu une bibliothèque de plus de 70 composés chimiques qui ressemblent à la base cytosine impliquée dans la méthylation de l’ADN. En modifiant cette base, les chercheurs ont produit des analogues capables d’interférer avec la protéine lectrice MBD2 et d’empêcher sa liaison normale avec l’ADN méthylé. Ils ont testé l’activité biologique de ces molécules grâce à une série de techniques fines et ont identifié plusieurs composés particulièrement prometteurs. Des expériences poussées de résonance magnétique nucléaire (RMN) faites par la plateforme de RMN Biologique de l’Institut Pasteur ont confirmé que ces composés interagissent directement avec les zones de MBD2 impliquées dans la lecture de l’ADN.

En plus de fournir les premières sondes chimiques ciblant directement MBD2, cette recherche ouvre la voie à de nouveaux outils pour explorer l’épigénétique. À terme, ces molécules pourraient servir à développer de futurs médicaments capables de réactiver des gènes bloqués, par exemple les gènes suppresseurs de tumeurs dans les cancers. L’arsenal contre les dérèglements épigénétiques vient peut-être de gagner un nouvel outil, à retrouver dans la revue Angewandte Chemie International Edition.

Rédacteur : AVR

Référence

In Quest of Chemical Probes for DNA Methylation Reader Proteins: Nucleoside and Dimer Analogues of 5-Methylcytosine Interact with MBD2
Dr. Jean Contreras, Dr. Sophie Vichier-Guerre, Laurence Dugué, Frédéric Bonhomme, Corinne Jallet, Dr. Minh-Ha Nguyen, Dr. Bruno Vitorge, Dr. Alessandra Feoli, Dr. Gianluca Sbardella, Dr. J. Iñaki Guijarro & Dr. Paola B. Arimondo
ACIE 2025
https://doi.org/10.1002/anie.202425599

Contact

Paola B. Arimondo
Chercheuse au laboratoire Chem4Life (CNRS/Institut Pasteur)
Communication CNRS Chimie